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Vieux 22/10/2005, 14h33
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patrocle patrocle est déconnecté
Aspirant franconaute
 
Date d'inscription: août 2005
Localisation: Lyon
Messages: 134
Par défaut Mémoires d'un prisonnier de guerre

Je vous remercie tous pour l’intérêt que vous portez à mon projet. Ca me fait très plaisir et j’espère aller jusqu’au bout, même si la tâche est relativement colossale !



Ne sachant pas créer et gérer un site internet, j’ai décidé de taper l’intégralité du texte, à l’identique de l’original (sans corrections ni modifications) dans Word et de faire un copier-coller directement sur le forum. Dès que j’aurais accès à un scan, je scannerai quelques pages que je joindrai au texte, afin que vous vous fassiez une idée de la présentation originale.



Si quelqu’un a une idée ou souhaite m’aider à présenter ces documents exceptionnels d’une manière plus agréable à consulter pour vous, je suis preneur, dans la limite de mes possibilités de temps que je pourrai y consacrer.



Inutile de vous préciser que je suis particulièrement ému de réaliser ce projet qui me tenait à cœur depuis longtemps. Je suis très heureux de le partager avec vous car je sais que vous êtes tous plus ou moins passionnés d’histoire comme moi et que vous apprécierez d’autant mieux ce récit authentique.



Dernière remarque avant de commencer : ne jugez pas trop sévèrement certains commentaires. Il faut les replacer dans leur contexte historique et les appréhender avec le recul nécessaire. Les choses étaient bien différentes il y a 60 ans ! Je pense qu’il y aura matière à discuter de beaucoup de sujets sur le forum, c’est aussi l’intérêt de ce travail.



Vous allez donc découvrir le premier épisode de ce journal d’un prisonnier de guerre français. Il s’appelait Sylvain (Sylvio) UGHETTO. Je crois qu’il est né en 1912 mais je n’en suis pas sûr (je rechercherai l’info et vous la communiquerai prochainement), en Italie. Il est donc un immigré Italien (ce qui n’est pas forcément simple à l’époque), très bien intégré, marié et père d’un jeune garçon (mon Oncle, lui aussi décédé aujourd’hui). J’ajoute que c’était un passionné d’histoire (surtout l’époque Napoléonienne) et qu’il m’a transmis cette passion dans mon enfance. Je joindrai des photos de lui, si ça vous dit.



Ce premier épisode est un peu particulier par rapport à la grande majorité du reste de son récit. Il semble qu’il ait écrit le début, qui retrace sa mobilisation et le début de la guerre, après avoir été fait prisonnier. En effet, à l’intérieur du premier cahier, j’ai retrouvé un brouillon des premières pages écrit au dos de documents Allemands (je vous les scannerai) intitulés « Beschreibung der Arbeit » (j’attends les germanistes pour nous préciser de quoi il s’agit, même si je pense que ce sont des fiches de marquage des heures de travail au camp de prisonniers). Le début est donc intéressant, mais le recul qu’il a sur les événements lui permet de les interpréter alors que la suite est plus spontanée et donc, à mon goût, plus passionnante.



Je marquerai d’un « ( ?) » les parties que je n’aurai pas réussi à déchiffrer.



Bonne lecture mes amis ! Cet AAR est authentique !








Ughetto Sylvain.

n° 22456.

n°1.





Souvenirs

de la

guerre 1939.1940.



Donawitz le 20 ( ?) Octobre 1940





Le mois d’août se termine, lourd de menaces. Déjà sur les édifices

publics des affiches ont été colées, nombreux sont ceux qui ont quitté leur foyer.

Cependant un espoir persiste. Le pire n’arrivera peut-être pas.

1er Septembre au matin cela semble s’arranger, mais la TSF de midi

vient nous annoncer la mobilisation générale.

Je quitte mon travail aussitôt. Pour parer à toutes surprises j’avais envoyé

ma femme et mon fils chez mes parents au Buisson. Ils étaient là depuis bientôt 8 jours.

Ma valise était prête. Je passe faire mes adieux à M. Guériot et je file à la gare.

Une certaine effervescence règne déjà. La gare de l’Est est déjà envahie par les gens

qui rentrent de leur travail. La gare Montparnasse est comble nombreux sont

ceux qui quittent la capitale. Je prends le train pour Plaisir qui part bondé.

Tout le monde est triste. On se quitte. Ce sont des pleurs de tous côtés.

J’arrive à Plaisir, je file à toutes jambes à la maison. Ce n’est pas la joie qui

règne non plus. Hélas, le terrible fléau va s’abattre sur bien des foyers. Les espoirs s’envo-

lent. On s’accroche au poste de TSF mais rien ne vient changer la situation.

2 Septembre minuit Mobilisation générale. Je quitte ma famille, triste

souvenir et je prends le train à Plaisir vers 15h.

Arrivé à la gare de l’Est je suis parqué dans le hall de la gare où il

y a déjà beaucoup de monde. Direction Epinal 18h. Je réussis à pénétrer sur les quais

où je m’installe dans un wagon de 1ère classe. Voyage long. Partout c’est le départ.

Toutes les gares sont bondées de monde. J’arrive tant bien que mal à Nancy après

avoir passé la nuit dans le train. Là, je change de train, je monte dans la Micheline

qui part vers 13h et j’arrive à Epinal à 14h30.

Un service d’ordre est là pour nous accueillir et colonne par 3 je suis dirigé

vers la caserne Courey que je connaissais depuis 1938. Dans la cour, par lettres

alphabétiques des bureaux nous donnent nos affectations. Je suis affecté à la

13e Cie de Pionniers du 21 RTA qui est casernée à l’école Chanteraine ( ?). je me

dirige vers cette école que je finis par trouver tant bien que mal. Là je suis heureux

de constater qu’il n’y a que des blancs. Je me présente au bureau. Ughetto.

4ème Section. 2ème groupe. 1ère équipe voilà mon affectation. Je vais chercher

une place dans la chambre il y a déjà du monde. De la paille par Terre

voilà nos lits. On cause. On cherche avec qui on va pouvoir se lier. A la … ( ?)

je rencontre Hebert un copain d’enfance.

3 Septembre à 11h. L’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne,

à 17h la France déclare la guerre à son tour. Cette fois l’irréparable

est accompli.

Les jours qui suivent on nous habille on nous équipe on nous arme. Je fais la connais-

sance de Cornet qui connaît toute ma famille. Nous sommes dans le même groupe dans la même équipe, déjà un noyau de copains. Nous sommes prêts pour la grande aventure.

Le moral est bon. La guerre sera peut-être courte.

Le 9.9.39. Départ d’Epinal. Nous embarquons à 21h pour débarquer à

Isming ( ?) (Moselle) le 10.9 à 5h (c’est dans cette gare où j’avais débarqué un an auparavant). Nous partons aussitôt à pieds pour St Jean de Rorbach où nous

entrons dans la caserne à 11h30. Caserne neuve qui est presque complètement

vide. Le foyer est encore ouvert mais on y trouve plus rien. Néanmoins je trouve encore une ceinture ( ?).

Nous y restons quelques jours. De là nous entendons le bruit sourd du canon. Des nouvelles nous parviennent du front, des ambulances apportent quelques blessés.

Le 14.9.39. Départ de St Jean à 15h à pieds pour Diebling ( ?) (Moselle)

où nous arrivons à 19h. Sur la route l’artillerie est en place les pièces sont nombreuses.

Nous logeons dans les maisons, tout est évacué et tout est déjà sans dessus dessous.

Le lendemain le 15 la Cie (commandée par le Capne Fébve ( ?)) se disloque.

La 4ème section part pour Lixing les Roulings( ?) le 15.9 à 16h sous le comdt du

Lieutt Desforges. La 1ère section sous le Ct du Lieutt Pierson viendra nous rejoindre

quelques jours après pendant que la 2ème Cdée par Andreani (sergt) s’installe

à Ganteling ( ?) avec le Bureau et la 3ème Cdée par le Sergt chef Meunier va à

Nouzwiller en subsistance au génie.

Arrivée à Lixing ( ?) le 15.9.39 à 16h nous nous installons dans les

maisons abandonnées par leurs habitants. Tout est déjà retourné un désordre

indescriptible règne partout. Les bêtes errent dans les rues. Les cochons sont

en quantités apréciables. Triste spectacle. Je me trouve dans une maison en Cie

de Cornet, Honoré, Devimy, Planchard, Thibault et Ferster. C’est Ferster qui fait

la cuisine car nous délaissons la roulante il y a de quoi se nourrir convena-

blement. Nous sommes bien installés les lits sont bons, nous avons la TSF.

Le 1er Octobre 1939 nous partons de Lixing à 16h à pieds pour Ganteling ( ?)

où nous arrivons à 20h. La Cie se reforme.

Le 2.10.39 départ de Ganteling ( ?) à 24h à pieds pour Hilsprich (Moselle)

où nous arrivons le 3.10 à 2 heures.

Départ d’Hilsprich le 3.10.39 à pieds à 18h pour Morhanges (42kms)

où nous arrivons à le 4.10 à 3h dans la caserne Cissey.

Nous reprenons contact avec la population civile pas très agréable du reste. Il nous

est difficile de trouver à se restaurer. La vie en caserne nous paraît dure. Garde et tous

les inconvénients de la caserne. Comme travail nous faisons des tranchées dans la cour

ou bien de la manutention d’obus etc.

Enfin le 30.10.39. Départ de Morhanges à 22h. nous embarquons

à minuit et nous débarquons à Guignecourt (Aisne) le 1.11.39 à 16h.

Sous un orage violent nous partons à pieds pour Nizy le Comte (Aisne) 25kms

où nous arrivons à 24h épuisés et trempés.

Après un jour de repos et bien contents de l’acceuil reçu nous partons

le 3.11.39 à 7h à pieds pour Lagny les Chaumonts (Ardennes) où nous

arrivons à 14h. Là nous restons jusqu’au 8 et nous partons pour

Chaumont Porcien ( ?)le 8.11 à 13h où nous arrivons à 14h. Le cantonne-

ment est infect. Un ancienne briquetterie sans portes ni fenêtres. Il pleut comme

dehors ce qui est loin de nous plaire. Il faut tout de même s’installer.

On nous occupe à nettoyer les caniveaux. C’est pendant mon séjour à

Chaumont que j’ai été piqué.

Le 1er Décembre à 8h nous quittons Chaumont en camions pour

le Roully. Commune de la Gaillette ( ?) près de Rocroi (Ardennes) où nous

arrivons à 11h. Le cantonnement n’est pas très confortable. Nous nous installons

dans un grenier où le foin nous sert de litterie. Par contre les gens sont très chics.

Nous trouvons dans toutes les maisons, vin, café, lait, liqueurs etc. à Rocroi

nous trouvons facilement des restaurants. Le travail consiste à creuser tranchées

anti char, emplacements de casemates etc. L’hiver a été très froid. La neige

est tombée en abondance (27° au dessous de zéro).

Je suis parti en permission le 9.12 par Rocroi-Hirson-Gergnier( ?) et retour le 24.12 par Fimes-Gergnier( ?)-Rocroi.






Départ de Rouilly le 31 Janvier 1940 à pieds pour Liart (Ardennes) où nous arrivons à 16 heures pour repartir le 1.2.40 toujours à pieds pour la Hardoye. Ayant mal aux pieds je cale en route et je rentre en voiture à 17h.

De la Hardoye je pars en voiture le 2.2.40 à 22h pour la Selve (Aisne) où j’arrive à 23h. La Cie n’arrive que le lendemain. Nous restons à la Selve jusqu’au 20. Peu de travail. Gardes et corvées de bois dans le camp de Sissonne.

Le 20.2.40 Départ de la Selve à 11h à pieds pour aller embarquer à St Ermes ( ?) à 22h. Débarquement à Peltre (Moselle) le 21.2 à 17h. et nous allons à pieds à Pournoy la Chétive où nous arrivons à 21h.

Départ de Pournoy le 25.2.40 à 19h à pieds pour Vallières (Moselle) où nous arrivons le 26.2 à 2 Heures.

Départ de Jallières le 26.2 à 19h à pieds pour Sanry les Vigy ( ?) arrivée le 27.2 à 5 heures. Dep. de Sanry 27.2 arrivée à Hostroff ( ?) (Moselle) le 28.2 à 3 heures. De nouveau c’est le pays abandonné par ses habitants. Nous nous installons dans les maisons, mais le mobilier a été rangé dans une pièce condamnée et nous nous contentons de la paille. Nous travaillons aux tranchées anti-chars. Secteur calme. Le canon tone au loin.

La 2ème ( ?) section était à Bouzonville. La 3ème en subsistance à l’Intendance. La 1ère au PC du général.

Je suis parti en permission le 25.3.40. Metz-Vitry le François et retour le 9.4.40 par Revigny ( ?)-Metz. A mon retour la Cie était installée à Piblanges(Moselle). Le pays tout près d’Hestroff n’était pas évacué mais les habitants peu aimables. On n’y trouve rien. Nous travaillons au déchargement des wagons et chargement des camions.

Départ de Piblanges le 25.4.40 à 19h30 à pieds pour Villers l’Orme ( ?) (Moselle) où nous arrivons le 26.4 à 2h pour repartir le 26. à 21 Heures en direction de Pouilly (Moselle) où nous arrivons le 27.4 à 4 Heures. Nous en repartons à 21 Heures, toujours à pieds pour Poncé Commune de Champey (Mt et Moselle) où nous arrivons le 28.4 à 3 Heures.

A Poncé c’est le repos. 1 heure d’exercice ou un peu de terrasse mais surtout pêche au bord de la Moselle. Pont à Mousson est tout près 4kms. Nous y trouvons tout ce que nous avons besoin et le dimanche des bons restaurants. C’est à Poncé que nous surprend l’attaque du 10 Mai. Pont à Mousson a été bombardé. Pierrot rentre à l’hôpital il n’aura rien à regretter au contraire.

Le 15 mai à 21 Heures nous quittons la ferme de Poncé et nous gagnons Champs à pieds où nous arrivons le 16.5 à 5h30. Nous sommes accueillis par un bombardement par avion. Le séjour est court mais les alertes nombreuses.

Départ de Champs (M et Moselle) le 16.5.40 à 24h en autocar pour Lion ( ?)(Meuse) où nous arrivons le 17.5 à 5h30. Nous nous installons dans le bois où nous passons la nuit. Sur le parcours nous voyons les pauvres gens évacuant leurs maisons. Les événements se précipitent.

Le 18.5 à 10h nous partons de Lion ( ?) et à travers bois nous gagnons les bois de Murvaux où nous arrivons à 16h. Le canon gronde mais nous ne sommes pas trop exposés. C’est à peine si nous avons le temps de commencer quelques travaux pour la défense du pays que nous recevons l’ordre de partir.

C’est le 20.5 à 22 Heures que nous quittons Murvaux toujours à pieds pour nous rendre à Cervisy. A mesure que nous avançons le bruit du canon devient plus fort. Certains pays ont même déjà été éprouvés. Maisons éventrées, ruines fumantes. Nous arrivons à Stenay où pas mal de maisons sont touchées par les obus. Là, fatigué je décide de m’arrêter. Maurice, Honoré restent avec moi et nous couchons dans une grange pleine de foin pendant que la Cie continu sa route. Le matin 21.5 nous repartons. Nous retrouvons Gaumer et avec lui nous cherchons la Cie. Nous avançons jusqu’à Cervisy où Maurice va se renseigner auprès du Colonel qui lui donne l’emplacement de la Cie. Nous retrouvons celle-ci à 10h dans les bois de Brunelles près de Cervisy au moment où elle s’aprètait à repartir ce bois étant trop bombardé. L’artillerie qui l’occupe est déjà bien éprouvée. En réalité nous ne quittons le bois que le soir, nous avons passé la journée dans la vallée où nous étions à l’abri des obus mais ce qui ne nous empêche pas d’essuyer des balles de mitrailleuse d’un avion ennemi.

A 22h nous quittons ce bois et nous allons au château de Cervisy. Dans le parc sous les grands arbres nous passons la nuit dans les tranchées. Là, nous subissons un bombardement assez intense. Les obus pleuvent autour de nous mais heureusement personne n’est touché. Le lendemain le 22.5 nous décidons de nous installer dans les caves de Cervisy. Nous y installons des matelas. Les caves sont solides, nous sommes en sécurité. Cervisy petit pays évacué depuis peu de temps est à peine touché. Il est situé entre Stenay et Martincourt.

Tous les soirs à 9h nous partons avec nos armes munis de pelles et pioches et allons à Martincourt ou à Inor creuser des abris, enterrer des animaux, porter des mines etc. Nous revenons au petit jour à 3h du matin.

Martincourt est entièrement détruit, toutes les nuits il subissait un bombardement intense. Ce n’est qu’un amas de ruines éclairé par l’incendie.

Nous restons à Cervisy jusqu’au 3.6 à 21h. Nous y étions très bien. Je logeais en Cie de Maurice, René, Honoré, Duru, Savouré, Martin, Léon Pierre. A pieds nous gagnons Inor en ruines où nous arrivons à 22h. Nous passons la nuit dans la cave du PC. Notre section est attachée à la 1ère Cie du 21 RTA. Le lendemain nous nous installons dans la cave du café de la Mairie et nous commençons à travailler. Le travail consiste à organiser la défense du pays. Nous construisons des barrages pour fermer les rues. Pose de barbelés devant les avants-postes, sciage de gros arbres, récupération de munitions. Nous travaillons de jour ou de nuit. Le secteur est loin d’être calme il est surtout dangereux. Il faut aller chercher la soupe à 4kms à la tombée de la nuit souvent sous le bombardement. Le bureau et les cuisines sont restés à Cervisy.

Le 4.6 Roger Ferrard est tué dans une tranchée. Nous avons 7 blessés dont Bourion qui meurt à l’hôpital le 6.6.

Pendant notre séjour dans ce secteur je fais fonction de caporal.



(Mon grand père a ajouté dans la marge du paragraphe suivant : « L’Italie déclare la guerre à la France ». Je ne pense pas qu’il l’ai su à ce moment là. Il a ajouté cette note par la suite, sans doute dans un soucis de reconstitution historique des événements)



Le 10.6 Nous quittons Inor à 22h pour revenir à Cervisy où nous passons la nuit dans notre cave. Le 11.6 les Allemands sont arrivés aux portes de Cervisy. Toute la journée ils sont maintenus. A 21h30 nous quittons Cervisy et à pieds nous gagnons Louppy (Meuse) où nous arrivons à 22h. Nous passons la nuit dans les bois sous la pluie.

Départ de Louppy le 12.6 à 21h pour Ecurey ( ?) toujours sous la pluie. Nous sommes bien fatigués. Aussi presque toute la Cie s’arrête à Brandeville pour y passer la nuit et nous rejoignons le 13.6 à 11h. Le même jour à 24h nous quittons Ecurey où j’ai la chance de recevoir une lettre, la dernière. Toujours à pieds sac au dos nous reprenons la route. Ne voulant pas repasser une nuit dehors nous nous arrêtons à la première maison de ville devant Chaumont après Damvillers où nous passons la nuit.



(Mon grand père a mis une petite croix dans la marge devant le paragraphe suivant)



Le 14 Juin 1940. Nous nous levons vers 7h30, à ce moment 2 soldats arrivent nous disant qu’ils viennent d’échapper aux allemands à 4kms. Aussitôt nous nous préparons et partons. A peine avons nous fait 500 mètres qu’une balle puis une rafale sifflent à nos oreilles . A plat ventre protégés par notre sac nous nous rendons compte que l’ennemi est là. En effet au carrefour de la route des autos blindées chargées de soldats tirant dans tous les sens nous coupent toute retraite. Rendez-vous nous crient les allemands qui continuent à tirer mais sans chercher à nous atteindre. Nous étions 9 presque sans munitions toute résistance était vaine, nous levons les bras et abandonnant sac et fusil nous allons à leur rencontre. Arrivés près d’eux nous défaisons nos ceinturons nous sommes désarmés et prisonniers. Il était 8h15. Mes camarades sont René Gorré, Maurice Guérin, Honoré Fontanelle, Robert Raoulx, Léon Pierre Fleury, Hugeat, Meunier, Coquot.





A suivre.






Escortés de 2 soldats nous reprenons la route de la veille. Les Allemands sont nombreux, une colonne motorisée formidablement armée, puis des canons, l’infanterie. Tout cela avance sans crainte, la résistance est nulle.

Une voiture découverte s’arrête et un officier nous demande où est notre Régiment. Nous déclarons qu’ayant perdu notre Cie depuis 48h (ça va, j’en connais qui vont encore se marrer !) nous ignorions où elle était. « Votre capitale est prise » nous dit-il. Nous ne pensions pas être en si mauvaise position.

Les troupes défilent devant nos yeux. Les soldats nous font des signes presque d’amitié. « Guerre finie » nous lancent-ils. Les anglais seuls les intéressent mais où sont-ils ? Comme eux, nous ne les avons jamais vus. Après une halte dans un fossé où nous rejoignent d’autres camarades, Carini, Gallois, nous continuons notre route et nous arrivons au camp à 1 ( ?) 600 de Damvillers. Là sont déjà enfermés Usseglio, Prevost, Depreter et Morels. Le camp c’est un prés entourré de barelés.

Nous passons toute la journée dans ce prés où nous devons partir le soir mais nous y passons encore la nuit. A chaque instant il arrive de nombreux prisonniers en particulier du 132 RI qui devait arrêter l’ennemi. C’est au nombre de 600 environ que nous partons le 15 Juin à 6h du matin sans avoir mangé depuis le 13 au soir. Colonne par 3 nous sommes emmenés à pieds à Stenay 36kms où nous arrivons à 17h après avoir fait 2 pauses. Dans la cour de la caserne on nous distribue ½ café d’orge, 125g biscuit et nous nous installons dans la caserne.

Nous sommes presque les uns sur les autres mais nous sommes heureux d’être à l’abri et de coucher sur la paille.

Tout le long de cette étape nous avons pu voir l’armée allemande avancer en quantité considérable. Elle débouche par toutes les routes. Nous sommes stupéfaits de voir tant de matériel. Tout est motorisé et notre propagande qui tentait de nous faire croire que l’Allemagne n’avait pas d’essence. Plus de doute possible la partie est perdue.

Notre séjour à Stenay est de courte durée. Heureusement car nous souffrons de la soif. Toutes les conduites d’eau sont coupées. Impossible de sortir des chambres, deux minutes matin et soir pour les besoins personnels. Comme nourriture 1/3 de boule et 1 bout de saucisse par jour, ¼ café matin et soir. Nous sommes gardés par des SS qui sont plus durs mais nous ne sommes pas maltraités.

Mardi 18 juin. Réveil à 5 Heures. On nous distribue 125g de biscuits, un peu de graisse pour la journée et à 7h20 nous partons à pieds vers Sedan. 34 kms. Nous faisons 15 kms sans pause et sans eau. Enfin nous pouvons nous désaltérer et nous gagnons Sedan en trois étapes. Nous traversons des villages que je connaissais bien. Cervisy, Martincourt, Inor. Ce sont ceux qui sont le plus éprouvés. A 16h45 nous rentrons dans la cour du château fort de Sedan. Sur notre passage les troupes allemandes nous donnent pain, biscuits, eau, etc. Partout on nous accueille sans haine. Nous sommes un peu surpris.

Dans la cour du château on commence à m’enlever mon rasoir et ma carte puis on nous fait monter dans la forteresse où nous nous installons au grenier. Vers 18h on nous sert ½ de soupe, 1 petit bout de viande, 125g biscuits.

De notre forteresse nous pouvons contempler Sedan. La ville a été un peu touchée par le bombardement, abandonnée par les civils mais par contre les allemands y sont installés dans les habitations.

Nous nous reposons le mercredi ce qui nous remet un peu de nos fatigues. Il fait beau ce qui donne un peu de gaité à notre prison. On nous autorise à écrire une lettre bien courte mais j’ai pas confiance qu’elle arrive un jour. J’en écris une à mes parents. Comme nourriture c’est bien maigre. ¼ soupe le matin, midi et soir et 1/8 de boule pour la journée.

Le jeudi 20 Juin à 7h après avoir mangé ¼ de soupe et touché 1/8 de boule et un tube de fromage nous quittons Sedan et toujours à pieds nous gagnons Chassepierre – Belgique 30 kms. A Sedan nous laissons Hugeat et Meunier. Nous passons la frontière belge à 11h. Les villages que nous traversons n’ont pas beaucoup souffert et les civils commencent à revenir. A 14h nous arrivons à Chassepierre où nous sommes à nouveau enfermés dans un prés. A 17h on nous sert 2/4 de soups. Après ce copieux repas nous passons la nuit à la belle étoile.

Vendredi 21 Juin on nous réveille à 4h. Nous sommes gelés, on nous distribue ¼ de café qui nous réchauffe un peu puis ¼ de boule et à 6h nous reprenons la route en direction de Marbehay ( ?) Belgique (30 kms) où nous arrivons à 13h30. Là nous sommes une fois de plus logés à la belle étoile. Presque aussitôt arrivés on nous distribue 1 soupe d’orge 1/10 de boule. Le soir nous touchons ¼ café 1 bout de lard.



(Note dans la marge : « Samedi 24 Juin. Armistice France Allemagne 18h50 »)



Le samedi matin distribution de ¼ café 1 bout de lard, 3 paquets de biscuits. Nous devons partir dans la matinée mais il en part que la moitié et nous ne sommes pas de ceux là. A midi nous touchons 1 petit bout de bœuf, des nouilles. Le soir ¼ café 1 bout de lard. La pluie se met de la partie et nous passons la nuit entassés dans une cave d’un vieux moulin qui se trouve dans le parc. Descamps que nous avons connu à Sedan se joint à notre équipe qui était réduite à 6.

Dimanche 23 Juin on nous sert ¼ de café le matin à 11h, 1 bout de viande, des nouilles et ¼ de boule. A 12h30 nous quittons le camps pour la gare et nous embarquons dans des wagons découverts et 50 hommes par wagon. A 13h20 départ du train. Le train s’arrête à Arlon Belgique où la croix rouge nous distribue ½ boule, ½ café, 1 cigarette par homme. Nous quittons la Belgique et nous voici au Luxembourg où nous faisons une halte de 1h1/2 à Luxembourg où nous apprenons que l’armistice est signée. Partout la population nous fait des signes d’amitié. Nous sommes encore en pays ami. Mais nous voici bientôt en Allemagne. A 21h nous débarquons à Trèves. Nous montons au camps après avoir traversé une partie de la ville. Tout le monde est aux fenêtres, pas un cri ni un geste hostile. On respire l’ordre et la propreté : belles maisons, belles toilettes etc. rien ne fait pressentir la misère. Une fois de plus notre propagande nous a trompés.

Nous entrons au camps qui est très grand, de nombreux barraquements en bois nous attendent. En rentrant on nous enlève ceinturons et toile de tente. Puis c’est la visite. Raoulx se trouve séparé de nous, nous voici de nouveau à six. Distribution d’une bonne soupe d’orge fort consistante qui nous remet un peu puis on nous loge dans une barraque et nous passons la nuit sur les planches.



(note dans la marge : « Armistice France Italie 18h35. Mardi 25 Juin cessation des hostilités)



Lundi 24 Juin. Distribution de ¼ café, 1/6 de boule, confiture. A midi 1 soupe d’orge. Je trouve à acheter un pull over car j’ai pas de linge, cela m’inquiète beaucoup. A 13h nous embarquons à nouveau dans des wagons couverts (50H). Départ du train à 14h après avoir perçu 2 boules pour 3 et du fromage. Le voyage se prolonge pendant 46 Heures et seulement 2 arrêts pour les besoins personnels. Sur tout le parcour l’Allemagne est pavoisée. Le drapeau à croix gammée flotte partout.

Mercredi 26 Juin nous débarquons à Krems sur Danube Autriche à 12h30. On nous dirige vers le camp de Greixentons ( ???) à 4 kms. Nous traversons la ville de Krems, nous avons parmi nous des noirs qui sont très remarqués par les Autrichiens. Nous arrivons au camp (Stallag XVIII ( ?)) à 13h30. Camp formé de tentes et barraques c’est naturellement sous une tente que nous sommes logés (180 Hommes). De nombreux belges et polonais sont logés dans les barraques.

A 17 Heures distribution de 1 seau de café pour 20 (2/4) ¼ boule et 2 cuillères fromage blanc.
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