Pendant ma thèse, j'ai travaillé sur une molécule dont une partie de la toxicité chez le rat est exprimée par des effets épigénétiques justement (je n'ai pas travaillé sur ces effets). Il s'agit d'un antifongique désormais interdit en France.
En résumé, voici ce qu'une équipe américaine avait montré :
- Des rates en gestation étaient exposées par voie alimentaire à cet antifongique. Les embryons étaient donc exposés in utero.
- A la naissance, seuls les rats mâles présentaient des troubles (reproduction, cancers...).
- 4 générations plus tard, seuls les rats mâles continuaient à présenter les mêmes maladies, lesquelles n'étaient transmises que par les mâles.
- bien que ces effets soient transmissibles d'une génération à l'autre, la fréquence de ces maladies exclue un mécanisme d'action par mutation de l'ADN, car elle est bien trop élevée pour que ce soit possible. Le mécanisme est donc épigénétique (en fait, les chercheurs pensent que c'est la méthylation de l'ADN qui est modifiée par cet antifongique, cette méthylation de l'ADN jouant sur l'expression des gènes qu'il contient).
C'est une découverte qui a permi à cette équipe de rédiger un article dans l'une des deux meilleures revues du monde.
Bref, le champ à défricher est immense, et les répercusions scientifiques le seront tout autant. Il était déjà souvent critiquable de chercher le gène responsable de telle ou telle chose, genre le gène de l'homosexualité ou de l'obésité, (il y a néanmoins des cas particuliers et bien documentés ou ça fonctionne très bien, comme certains gènes qui prédisposent à certains cancers), mais un telle recherche va passer désormais pour ringarde si elle n'associe pas de façon serrée des critères liés à l'épigénétique.
Si vous lisez quelque part qu'on a trouvé le gène de l'intelligence ou de la connerie, vous avez le droit de vous gausser.
