Madame ma fille, je m'en vais vous mander des choses les plus étonnantes qui agitent la Cour en ces jours-ci. Notre bon Roy a enfin fait le choix d'une épouse ; elle aura fait autant de réjouis de que de mécontents. Vous comme moi, nous savons en effet qu'il n'est point question d'amour dans les mariages royaux. Il en fut de même pour celui d'hier.
Henriette d'Angleterre fut présentée par moults courtisans influents comme un joyau qui scellerait une alliance fructueuse avec un pays rival. Le Roy ne fut point dupe de ces avis peu sûrs, et fit, je le crois, le choix de la sagesse en s'accordant plus volontiers avec son cousin d'Espagne. Ce fut donc un beau jeu de dupe quand le parti espagnol triompha, en annonçant à ceux qui voulaient bien l'entendre que le Roy de France épouserait l'infante Marie-Thérèse.
Il se dit partout que l'artisan de cette alliance n'est autre que
Monsieur Gonzague de la Jaguerie, décidément de mieux en mieux en cour, malgré une présentation récente à notre souverain. Il semble que ses discours onctueux trouvent facilement l'oreille de notre bon Roy, et plus encore celle de notre nouvelle souveraine
(cotes Roi : 6 - cote Reine : 9).
Il se murmure de surcroît qu'il fut aidé en ses manoeuvres par une intriguante à l'identité ambiguë, oeuvrant pour l'heure dans l'ombre des provinces et répondant au nom de code de "Ben"
Les tenants du parti anglais pleurent de rage, m'assurent-on. Madame Henriette d'Angleterre est repartie pour Douvres par le premier bateau, refusant même, dans son désappointement, d'accorder entrevue à Monsieur le Frère du Roy.
Ce revers de fortune n'a point empêché Monsieur Alcibiade de Coeliac de la Juristerye de faire sa cour à la Rien, qui l'a reçu ma foi fort bien. (cote Roi : 2 - cote Reine : 9). Monsieur Hector Charles de la Moustacherye de Pol-en-Ploie (cote Roi : 6 - cote Reine : 6) et Mademoiselle Athenais Francoise de la Chouinerye (cote Roi : 3 - cote Reine : 7) s'y entendent également en matière de séduction, auprès de cette jeune reine arrivée nouvellement en notre pays. Seul dans le parti anglais, Monsieur de Laurentius de la Noobitude, refusa de se prêter au jeu de l'affèterie, et se montra fort froid auprès de l'Infante, préférant déserter son goûter pour se rendre au jeu du Roi (cote Roi : 8 - cote Reine : 1).
Et le parti hollandais, me direz-vous ? Il dispose de puissants agents, m'assure-t-on, du côté de Breda. L'un d'entre eux, se murmure-t-il, devrait incessament se présenter à Versailles. Deux de ses acolytes s'activent pour l'heure à lui préparer un terrain favorable : la jolie comédienne, Mademoiselle Marloufe Rouqmouton s'en est fort bien tirée, par ma foi, lors de son entrée dans le beau monde (cote Roi : 4 - cote Reine : 5). Il se dit ici et là que c'est grâce à son entregent que Monsieur Danton De Marseillicide fut désigné ordonnateur des fastes des noces royales, en qualité de Chambellan, malgré une popularité relative à la Cour (cote Roi : 4 - cote Reine 4). gageons que son influence ne fera que croître sous peu.
Pour l'heure, Madame ma fille, je vais me reposer. Il ne s'exclut pas, en effet, que le nouveau Chambellan ne décide de transporter toute la Cour à Marly pour y organiser une mémorable partie de Chasse. Espérons que la guerre, dont la rumeur s'entend de loin en loin avant de s'éteindre, ne nous prive des joies de Diane comme de celles de Vénus.