Discussion: AAR Imperium Romanum
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Vieux 01/05/2008, 19h39
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Chapitre 5 : Ou comment Otto Grandpieos se retrouve mélé malgré lui à un vaste complot


Le contact de Faustine m’avait dangereusement rapproché d’un monde inconnu pour tout autre citoyen romain, et qui pourtant décidait souvent des destinés de l’empire : le monde des intrigues, des luttes d’influences et des coup bas. J’en avais une vague idée, à voir le nouvel ami inséparable de Commode, Schnickeon. Mais c’est Faustine qui me révéla, dans toute sa splendeur, les couloirs tortueux et sombres qu’empruntait bien souvent le vrai pouvoir.
Du médecin à l’amant, de l’amant au confident, il n’y avait qu’un pas que j’avais allégrement franchis. Il faut croire que cette relation ne pouvait être à sens unique, puisque j’appris beaucoup, le temps de ces quelques mois passés entre les sombres forêts de Germanie aux déserts de Syrie. Les derniers jours, alors que les 4 légions serpentaient tel un long ruban d’une ville à l’autre, de l’étape du matin à celle du soir, les choses se précipitèrent et me firent entrevoir ce que bien peu avaient pu connaître auparavant.

La santé de Faustine déclinait au fur et à mesure que nous nous enfoncions en Syrie et nous rapprochions de l’Egypte, où le général Avidius Cassius semblait vouloir mener contre Marc Aurèle le combat qui trancherait entre les 2 empereurs. Déjà, alors que nous étions un peu plus au nord, en Cappadoce, Faustine avait promptement quitté un repas organisé à Césarée par le gouverneur de la province, resté fidèle à Marc Aurèle, Venitius Varon.



Les tonneaux sont en perce, les tavernes sont ouvertes, à Césarée ça va swinguer !


L’homme, qui devait avoir une trentaine d’années, s’était vu confié la province pour une période comprise entre 3 et 5 ans, avec le titre de légat propréteur de rang consulaire, une position particulièrement enviée dans le système de gestion des provinces romaines.

En effet, certaines provinces dépendaient uniquement, en théorie, du Sénat, avec des hommes issus du sérail et nommés par leur pairs. La durée était limitée et les postes réservés à des hommes ayant fait leur preuve comme consuls, et qui pouvaient ainsi exercer leur fin de carrière en s’enrichissant sur le dos des habitants. La lutte était donc rude pour obtenir ces postes convoités, le meilleur moyen pour renflouer les caisses de tout citoyen romain un tant soit peu endetté.
Les exemples n’avaient d’ailleurs pas manqué de Sénateurs pillant à merci les provinces en question afin d’enrichir leurs palais du Palatin ou leurs villas d’Ostie. Tant que l’exploitation de la région restait dans des limites raisonnables, le Sénat ne déposait aucune plainte réelle – chaque Sénateur n’espérant qu’une chose, prendre la place du prédécesseur et assouvir ses désirs de pouvoir et de luxe. Il aurait été inconcevable que quiconque se mette un jour à tuer cette véritable poule aux œufs d’or…
La position était d’autant plus enviable qu’elle ne supposait aucune compétence réelle (ce qui, pour être honnête, rendait ainsi crédible la candidature de la plupart des sénateurs) et une responsabilité bien limitée : les provinces sénatoriales étaient en général les plus vielles provinces de l’empire, celles qui ne connaissaient aucun heurts et ne nécessitaient pas la présence de Légions sur place.



Notre périple à travers les différentes provinces romaines


Les autres provinces dépendaient, elles, directement de l’Empereur, qui y plaçait qui il voulait, le plus souvent des hommes dont la loyauté ne pouvait être mise en doute. Il faut dire que les provinces impériales étaient le plus souvent aux marches de l’Empire, dans des zones qui n’étaient pas forcément pacifiées, et des troupes plus ou moins importantes y stationnaient en permanence.
Ainsi on comptait deux légions en Cappadoce, tandis que la Syrie se taillait la part du lion avec 3 légions. Cela expliquait parfois l’air soucieux que prenait Marc Aurèle quand les chiffres s’imposaient à lui : pouvant compter sur la fidélité de la Cappadoce, l’Empereur y disposait d’une réserve de 2 légions, en plus des 4 légions qui nous avaient accompagné depuis le Danube. Un total de 70.000 hommes, mais qui pouvait se révéler insuffisant si les provinces d’Orient suivaient le mouvement lancé en Egypte par Avidius Cassius.
Une légion en Egypte, 3 en Syrie, 2 en Palestine, une en Arabie, encore 2 autres à la frontière Parthe : si la rébellion s’étendait, le général ennemi, très apprécié dans la région pour ses faits d’armes, pouvait disposer d’un réservoir de 9 légions, soit prés de 110.000 hommes et un tiers des soldats couvrant la surface du Monde Romain.

Aussi la réaction presque hystérique de Faustine ne lassa pas de surprendre alors que nous étions accueillis par Venitius Varon : loin de se rassurer en voyant ainsi 2 légions faire corps avec son mari l’empereur, elle avait éclaté en sanglots, quitté le repas donné en l’honneur de Marc Aurèle et s’était enfermé avec ses servantes dans l’incompréhension générale.
La nuit qui suivit, un début d’incendie commença même dans les pièces occupées par toute la suite de Faustine, feu qui fut déclaré comme accidentel et mis sur le compte d’un esclave un peu plus débile que les autres, et qui aurait oublié d’éteindre les bougies. Je savais à quoi m’en tenir, il s’agissait d’une nouvelle tentative de Faustine pour se supprimer.



Brûle ! Brûle ! Ou une tentative de petit-suicide impérial


Je pensais être l’un des seuls à disposer des clés me permettant de saisir le désespoir impérial. La proximité (certains auraient dit la promiscuité) avec Faustine avait fait de moi l’objet de toutes les confidences. Si j’avais entrevu le danger qui menaçait ma frêle nuque suite à ma liaison avec Faustine, j’avais bien pris conscience du danger encore plus grand qui me menaçait depuis que Faustine m’avait tout révélé, une nuit où l’alcool avait enlevé le peu d’inhibitions qui restait en elle. J’avais aussi bien mieux compris son insistance à tout vouloir savoir de la santé de l’Empereur.

Faustine tenait-elle vraiment à Marc Aurèle ? Aujourd’hui, sachant ce que je sais et ce qu’il advint par la suite, je me permets d’en douter. Tout ce que voulait Faustine était le pouvoir, et son excentricité sexuelle n’en était que l’un des multiples révélateurs. Il se trouva qu’en guerroyant sur le Danube, Marc Aurèle était tombé gravement malade, comme je l’avais déjà dis. J’en vins moi-même à me demander si les Dieux n’auraient pas plus de chances que mes médications afin de restaurer la santé impériale. Faustine conçu certainement les mêmes doutes. Je l’imagine, tremblante dans sa chambre, voyant son mari décédant subitement et le pouvoir se retrouvant aussitôt, comme le souhaitait Marc Aurèle, dans les mains d’un adolescent colérique et orgueilleux, Commode.

Oh, certains pourraient penser que la situation était enviable, que de passer du statut de femme de l’empereur à celui de mère d’un nouvel empereur n’était pas la pire des infamies qui soit, bien au contraire. J’imagine Faustine, évoluant dans sa chambre, se mettant à l’angle d’une fenêtre afin de saisir les rumeurs venant du campement, Faustine songeant à deux exemples qui pouvaient sérieusement la faire douter quant au pouvoir réelle qui lui incomberait.
Livie, femme d’Auguste, devenue Augusta par la suite et intronisée au Panthéon parmi les Dieux bien après sa mort, avait du se morfondre en voyant comment son fils à qui elle avait donné l’empire, Tibère, l’avait écarté de la sphère du pouvoir, la laissant recluse loin de Rome et se morfondant sur l’ingratitude d’un fils à qui elle avait tout apporté, la vie et la couronne. Ou Agrippine, femme de Claude, qui avait aux forceps et par une multitude d’empoisonnements – dont celui de ses différents maris - fait de son fils Néron le maître de Rome avant que ce dernier, ayant décidément bien appris de sa mère, échoua à la noyer dans le port de Baïes avant de se débarrasser définitivement d’elle.



Comment tuer sa mére ? Simple, la foutre sur une triréme piégée qui se casse en deux ...


Supposant la mort de Marc Aurèle, Faustine eut-elle la certitude de voir en Commode la vision de sa mort prochaine, un fils ne disposant de sa propre existence qu’à la disparition de celle qui l’enfanta ?
Toujours est-il que Faustine envoya aussitôt, et le plus secrètement possible, des missives à destination de l’Egypte et du meilleur général que l’Empire comptait alors, Avidius Cassius. Lui révélant la mort prochaine de Marc Aurèle, elle le suppliait de réclamer le trône qui resterait vacant quelques temps, lui proposant même un marché qui ne me surpris pas outre mesure : Avidius Cassius pouvait prendre Faustine comme nouvelle femme, et la continuité dynastique serait, du moins dans les formes, maintenue.
Que serait-il advenu de la propre femme d’Avidius Cassius, ou même de Commode ? Faustine ne s’épancha pas là-dessus, mais rien que de très funeste, certainement.

Et tout s’était alors joué. Avidius Cassius, sur la foi des missives reçues et des rumeurs alarmantes venant de Germanie, s’était lancé dans la course à l’empire. Ce n’était pas la première fois qu’un général un peu plus aventurier que les autres se voyait régner à Rome, et ses arguments étaient solides. C’était sans compter sur le médecin de Marc Aurèle, votre serviteur, puisque je réussis à guérir l’Empereur, comme par miracle. Une pirouette des Dieux, certainement, qui aiment à nous voir nous agiter comme dans une fourmilière et nous entretuer, pour leur plus grand plaisir.
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