Discussion: AAR Imperium Romanum
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Vieux 10/06/2008, 13h26
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Chapitre 11 : Schnickeon, Chal et Perennis, de l'Affrontement des Favoris


Je reportais quelques instants mes yeux sur le Triomphe qui s’étendait plus bas, impérial. J’avais constaté, amer, que Schnickeon en faisait parti, suivant de quelques pas le char où trônait Commode. J’avais également remarqué un visage impavide qui était loin de m’être inconnu, et même si j’avais espéré me tromper, du fait de la distance qui me séparait de la procession, l’armure et le casque étaient bien celui de Julius Sentencius. Le centurion avait certainement fini sa sordide tâche, même si les rumeurs, encore plus insistantes maintenant que l’on était à Rome, affirmaient qu’un jeune inconnu, certainement un fils adoptif ou l’un des enfants illégitimes d’Avidius Cassius, avait réussi à échapper au massacre qui avait touché tous les membres de la famille du général.

A mes côtés, Lucius Coelius regardait lui aussi le spectacle, un léger sourire aux lèvres – je ne savais pas si je devais y voir du sarcasme ou de l’admiration. L’enquêteur était bon, et déjà de nombreux notables lui avaient confié des missions requérrant un minimum de discrétion dans une ville aussi bavarde que Rome. De plus – et c’était là ce qui avait emporté ma décision – l’homme avait déjà voyagé pendant de nombreuses années en Orient, j’espérais donc que la connaissance qu’il pouvait avoir des peuples de Judée Samarie lui permettrait rapidement de retrouver la trace de mon frère Chazam, disparu 1 an plus tôt.



Une poignée de soldats triomphants passant sous l'arc de Titus


Tandis que son fils Jmlus restait sur place, les yeux grands ouverts et les cheveux en bataille, j’entraînais Coelius sous les arcades afin de lui donner toutes les informations qui pouvaient lui être d’une aide quelconque. Si nous étions d’accord que Chazam avait disparu aux environs de Jérusalem, Coelius estimait que son enquête devait débuter à Césarée, le port ou mon frère avait débarqué. Alors que je poussais Coelius à aller directement au cœur du problème, celui-ci me fit sagement remarquer qu’après plusieurs mois, la piste avait largement eut le temps de refroidir et que quelques jours de plus n’y changeraient rien. Coelius espérait surtout trouver des éléments expliquant la disparition de Chazam quelques jours en amont, alors que ce dernier effectuait le voyage entre Césarée et Jérusalem.

L’homme m’avait été chaudement recommandé, mais je découvrais là un homme honnête, patient, et qui s’annonçait méticuleux. J’avais toutes les chances de mon côté pour pouvoir retrouver Chazam. Tandis qu’une bourse pleine passait de ma ceinture à la sienne, je faisais une prière silencieuse aux dieux afin qu’ils guident Coelius sur la bonne voie.

Une semaine s’écoula, et j’imaginais déjà Coelius voguer sur la Méditerranée, quand vint l’heure du second triomphe pour Commode, moins formaliste mais tout aussi important que celui qui avait fêté la victoire de Marc Aurèle sur ses adversaires. Le petit morveux n’avait pas encore fêté ses 16 ans que son père lui offrait le titre de Consul, marquant par là même sa décision que son fils lui succéderait – ce qui était tout sauf évident pour le régime que nous connaissons .
L’année 177 commençait ainsi sous de bien mauvais augures, même si le plébéien de base se félicitait sottement de la décision du vieil empereur.
Je devais admettre que les choses avaient été faites en grand, et l’association de Commode aux victoires de son père laissait chez tous l’image d’un adolescent courageux et amené à rajeunir et revitaliser l’Empire. Le cadeau impérial que reçurent tous les Romains avait également largement favorisé la liesse qui s’étendait à toute la ville : après 8 ans d’absence, et pour fêter son retour et la position occupée par Commode, Marc Aurèle avait fait distribuer 8 pièces d’or, soit 800 sesterces, à chaque citoyen.

Un matin, un esclave apporta chez moi un petit sac de cuir fermé par un cordon, provenant directement du Palatin. Je l’ouvrais, et y trouvais les 8 pièces qui étaient traditionnellement distribuées aux seuls plébéiens. Je prenais l’une des pièces entre mes doigts, sans comprendre pourquoi je recevais ce qui apparemment ne m’était pas destiné, avant de blêmir et de lâcher le tout sur le sol en marbre. L’un des pièces roula sur 2 ou 3 mètres, avant de s’échouer contre la bute qui surélevait la grande cheminée qui réchauffait toute la pièce. La pièce sembla hésiter quelques instants, avant de tomber avec un petit bruit mélodieux.
Je me rapprochais, regardant le côté face de la pièce, parfaitement visible. Je reconnaissais le visage de Faustine, qui semblait cerné de flammes : l’or renvoyait les reflets venant de l’âtre, dans une image qui m’épouvanta. Même disparue, Faustine était appelée à me hanter, me poursuivant dans mes rêves et même ici, chez moi. Je quittais la pièce, sachant qu’à mon retour l’un des esclaves aurait certainement fait disparaître ces pièces qui m’effrayaient tant. C’était la première fois que j’avais sous les yeux le résultat de l’un des souhaits de Marc Aurèle, décidé un an et demi plus tôt à Halala – ou plutôt Faustinopolis. Des pièces à l’effigie de Faustine avaient donc été frappées après sa mort, empêchant quiconque (et surtout moi) d’oublier son visage.



Oh qu'elle est ... euh... belle !


Mais comme elles étaient rares parmi l’incroyable masse monétaire sortant chaque année du Trésor Romain, je n’avais pas à chercher loin pour trouver l’instigateur de ce cadeau empoisonné : Schnickeon se rappelait à mon bon souvenir, affirmant par là que je lui étais toujours redevable. J’étais surpris qu’il s’intéresse encore à moi alors que l’affrontement avec Perennis et son fils Chal prenait une tournure des plus sérieuses. Commode devenu Consul, il n’y aurait la place que pour un seul favori, qui concentrerait entre ses mains un pouvoir potentiellement illimité. Chacun des coups qui étaient désormais portés à l’autre avait pour but non pas seulement de l’éloigner de Commode, mais de le discréditer, lui faire perdre la face et la vie.

C’est dans ce climat particulièrement étrange que débarqua à Ostie le gouverneur de Cappadoce, Venitius Varon. L’homme avait deux ans auparavant sauvé la mise à l’empereur en Orient, s’assurant de la fidélité de ses troupes et faisant tout pour que la révolte d’Avidius Cassius soit circonscrite à la seule Egypte. Sa venue sembla surprendre agréablement Marc Aurèle, tandis que le reste de la Cour était dans l’expectative, s’attendant à un nouveau coup tordu entre Schnickeon, Perennis et Chal. Les courants se faisaient et se défaisaient au rythme des victoires des uns ou des autres, dans un ballet se révélant mortel pour celui qui se trompait sur le sens d’où soufflait le vent.

J’eus la chance, comme beaucoup d’autres, d’assister à l’entrevue entre Marc Aurèle et Venitius Varon. Celui-ci était suivi d’un jeune homme qui m’était parfaitement inconnu, et que Venitius présenta en ses termes à Marc Aurèle :

"- Altesse, j’étais présent lors du repas où vous avez assuré ne pas rejeter la faute du général Avidius Cassius sur sa progéniture, sa famille ou l’un des quelconques membres de sa descendance. Cette promesse, vous l’avez également faite auprès des Sénateurs, et il n’est pas dit que je laisse par mon inaction votre parole être désavouée, à votre insu, par des comploteurs. Ce jeune architecte s’est jeté à mes pieds alors qu’il fuyait depuis plus d’un an une mort certaine, celle qui s’est abattue sur ses frères, ses sœurs, sa mère, à travers tout l’empire. Altesse, je vous présente le dernier fils du général Avidius Cassius, Caius Avidius, et j’espère que vous trouverez celui qui complote contre votre auguste personne, en vous défiant de la sorte."



Avant de construire ça, mange ta soupe ! (Avidius Cassius à son jeune fils Caius Avidius)


Quelques exclamations s’entendirent parmi les témoins, peu habitués à ce qu’un empereur se voit tenu un discours de la sorte. Je savais pourtant que Venitius Varon était certainement l’un des rares gouverneurs, peut être le seul, à pouvoir s’adresser de telle manière à Marc Aurèle : sa fidélité lui conférait une assurance et une liberté de parole que tous ne pouvaient avoir.
Tandis que Marc Aurèle digérait ces paroles, je m’attardais un peu sur les traits d’Avidius Caius. L’homme avait aussi de la trempe, après avoir fuit pendant des mois le glaive de Julius Sentencius, de se jeter ainsi dans la gueule même de l’ennemi. Mais c’était particulièrement judicieux, puisqu’il venait rappeler les paroles proférées par l’empereur et qui avaient été démenties par la suite - se plaçant ainsi sous sa justice, mais surtout celle de Rome, seule à même de le sauver. C’était très bien joué, et celui qui s’avéra un jeune architecte pu ainsi commencer sa carrière pour le bien de Rome, à construire cirques et amphithéâtres, une fois absout des fautes de son général de père.

Dans l’entourage de Commode, à quelques mètres l’un de l’autre, Perennis et Chal jubilaient tandis que Schnickeon présentait un visage livide.


Sauras tu retrouver qui s'ennuit et n'a plus d'amis ?
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