Discussion: AAR Civcity Rome
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Vieux 19/02/2007, 20h14
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CHAPITRE 5 : les deux Ennemis



L’amphithéâtre de la ville, où se déroulaient les jeux, était bondé pour l’occasion.

Les patriciens et les plus nobles citoyens de la ville avaient accès à des tribunes réservées, surplombant la piste et dotées du plus grand confort : siége en marbre, encensoirs, bassins d’eau, corbeilles de fruits cueillis le matin même et servante servant du vin à profusion.

Puis plus on s’éloignait de la piste, plus on s’éloignait des classes sociales aisées. Les dernières rangées comptaient les hommes les plus pauvres, et les femmes. Incapables de réellement discerner l’action sur la piste, ils poussaient des cris en même temps que les rangées plus basses, heureux de communier à la liesse populaire par la voix à défaut de la vue.





Certains des spectateurs, assis sur leurs grandes travées en bois, jetaient un coup d’œil envieux en direction des tribunes, contemplant le chatoiement des étoffes de soie d’Orient, la coupe parfaite des tuniques du Latium et les toges d’un blanc éclatant. On comptait également plus de légionnaires qu’à l’accoutumée, puisqu’en plus du Préfet Varon, on pouvait également croiser Chal - qui avait droit, comme commandant des armées d’Illyrie, à sa propre garde rapprochée.

Les deux hommes riaient en regardant plusieurs longues toiles se détendre au fait de l’amphithéâtre, protégeant ainsi tous les spectateurs du soleil ardent de Crête. Un peu en recul, Oniris conversait avec un très riche commerçant venu de Ligurie pour vendre une partie de sa production de textile, puisque la ville n’était pas autosuffisante. L’homme, du nom de Griffon Pertinax, n’était rien moins qu’un ancien Consul, et l’un des proches de Marc-Aurèle. Seul son retrait de toute vie publique avait empêché Commode et Perennis de l’envoyer à une mort certaine, comme tous les conseillers de l’ancien empereur.

Le matin même, quelques mots ayant été échangés entre Griffon et Chal, Oniris semblait s’être découvert un allié. Mais Griffon, imperturbable, évitait tout sujet se rapportant à Rome ou à la gestion de l’empire, préférant longuement converser sur le lainage familial.

Profitant du fait que personne ne me prêtait attention, je quittais la tribune et, suivant plusieurs corridors, arrivaient dans les soubassements de l’amphithéâtre. Les servants s’agitaient en tout sens, les gladiateurs sortaient de leurs cellules afin d’être équipés pour la première partie de la journée. Sur la demande de Chal, le combat que je craignais tant entre Chazam et le guerrier goth serait gardé pour la fine bouche. Les festivités prévoyaient d’abord quelques combats d’autruches, un animal encore inconnu ici, avant que les gladiateurs ne soient envoyés par paquets les uns contre les autres.





Le plat principal consistait à des combats opposant des fauves aux gladiateurs ayant survécus à l’épreuve précédente, puis viendrait l’événement que tous attendaient, le combat de la légende grecque contre le champion de Chal. Les paris allaient bon train, dans les tribunes, et tout ceux qui avaient aperçus le goth hésitaient quant au résultat. La plupart des Crétois, néanmoins, misaient sur leur héros. Ce goth, qu’on disait muet, ne les inspirait pas particulièrement. Je demandais à entrer dans la cellule de Chazam et pu enfin lui parler de ce qui me tenaillait depuis la veille. Le héros grec me fixait, essayant de comprendre pourquoi moi, Caius Avidius, mandé par César, je m’intéressais au sort d’un esclave. Hésitant, je lui demandais de perdre son combat, s’il voulait avoir une quelconque chance de survivre. Alors que Chazam s’entêtait dans sa fierté de gladiateur, j’usais de tous les stratagèmes, essayant de le renvoyer à sa condition d’esclave, et ce faisant, je m’apercevait combien lui était bien supérieur à moi, et plus il résistait, plus j’essayais de le rendre misérable, et plus je me haïssais, et plus il prenait l’ascendant. Le suppliant puis le menaçant, usant de cajoleries, je cherchais ce qui pourrait lui faire rendre les armes, et finalement lui promettait la liberté, pas pour tout de suite mais dés que possible, et une place comme travailleur dans la villa que l’on me construisait, une place sous mon toit, une rente, et, qui sait, une vie avec un but, une vie valant bien mieux que tous les maux qu’il endurait, je renversais des empereurs et des nations pour lui, je lui promettais l’univers et la gloire des dieux, je promettais de rajouter son dieu aux miens, je l’implorais de vivre, pour lui, pour moi… je m’arrêtais, essoufflé.

Chazam me regardais, de la pitié dans les yeux. Voilà, c’était fait, j’étais son esclave. Il me questionnait et je lui répondais dans un souffle, oui la litière plus confortable c’était moi, les attentions venaient de moi, les maîtres moins sévères c’était moi également, les liqueurs proposées parfois et les femmes plaisantes, c’était encore et toujours moi. Je voulais être comme lui, car j’aurais voulu être lui, d’ailleurs je m’étais taillé une petite croix dans de l’écorce de bois, comme lui…

"- Tu n’aurais jamais pu être moi. Te priver de liberté, voilà bien quelque chose qui fait reculer les patriciens romains. Quand à ton amulette, peu m’importe, il ne s’agit pas de faire une place à « mon Dieu » auprès des tiens. C’est bien supérieur à tout cela, à tes temples, à tes croyances "
Chazam me fixa encore droit dans les yeux.
"-Pars, maintenant, je combats bientôt, et ta présence m’est trop lourde, tu t’amuseras avec tes semblables pendant que moi, je mourrais ou tuerais pour votre plaisir…"

Ne sachant plus quoi dire, j’appelais pour qu’on ouvre la cellule, et me retrouvais dans le couloir. Le goth… il ne restait que cela.

L’un des servants m’amena jusqu’à sa cellule, et je découvris l’homme pour la première fois. Un véritable colosse, une masse musculaire capable de s’opposer à un taureau, une abomination créée par les dieux pour nous montrer que nous autres, humains, n’étions que des mortels et que notre nature nous empêchait de s’opposer à leurs desseins.

Dans l’absolu, il était fortement probable que Chazam, malgré toute sa vigueur et son agilité, soit effectivement battu par le goth. Vaincu, Chazam resterait sur l’île, son prestige connaîtrait une éclipse, mais au moins il n’irait pas à Rome pour Combattre Commode. Mais un nouveau danger apparaissait maintenant : Chazam risquait de mourir entre les mains du colosse d’ici quelques heures.

[video]http://www.franconaute.org/~redacteurs/marlouf/gladiateurs.wmv[/video]

Il fallait que j’agisse vite. Je fis amener plusieurs servants, et entrait dans la cellule du Goth. Ils l’assirent sur un vieux gravât et l’attachèrent aux fers fixés dans la paroi, avant de me laisser avec lui. Seul restait aux alentours l’un des gardiens, au cas ou un quelconque problème m’arriverait. Je regardais le géant en face. L’homme avait un regard franc, sans aucune lueur de sournoiserie comme on en trouvait chez certains gladiateurs. Je n’avais rien à dire au Goth, et il ne m’aurait de toute façon jamais répondu. Les bruits qui courraient sur son compte, le gardien me les avaient confirmé : le Goth étaient muet.
Les coups, les blessures, les femmes, rien n’avait réussit à faire sortir un seul son de sa gorge. Son surnom d’Akmar Nibelung, nul ne savait d’où il venait réellement. Certainement avant sa capture quelques années auparavant. Je me retournais. Le gardien s’était mis à crier après quelque servant un peu maladroit qui avait fait tomber une cuirasse dans la salle principale.
Je fouillais dans ma toge, en sortit une courte dague et la plantait à la base de son aisselle gauche. Le géant fit une grimace horrible tandis que la lame glissait sur sa clavicule, mais ne pouvait toujours faire sortir aucun son. Je rangeais la dague sous ma tunique, et appelais le gardien. Celui-ci me regarda avec de grands yeux ronds en voyant la blessure que portait Akmar, et commença à balbutier. Je lui donnais l’ordre de stopper l’écoulement du sang, et faisait aussitôt équiper le goth de son équipement. Son galerus, cette plaque qui recouvrait la base du cou jusqu’au bras, rejoint par d’autres plaques couvrant le bras gauche et une partie du torse, camouflait parfaitement la blessure.

Quand il se leva, je le vis peiner à manier son bras gauche. Parfait. Tout colosse qu’il était, avec un bras en moins, il aurait bien moins de chance d’écraser son adversaire.
Je quittais rapidement le sous-sol, tandis que résonnaient derrière moi les plaintes du gardien, menaçant d’aller se plaindre à Venitius Varon et de saisir l’édile.

Plus je remontais les corridors, plus forte me parvenait l’exaltation du peuple. Les autruches avaient eu peu de succès, mais les gladiateurs avaient beaucoup plus. Quand je rejoignais la tribune, les trompettes s’étaient tues pour laisser place aux fauves, et les hurlements de la foule accompagnaient telle ou telle prouesse. Un archer qui atteignait un lion en pleine course, et la foule applaudissait. Un Rétiaire qui blessait à mort un fauve, et des travées entières raisonnaient du martèlement des pieds sur le plancher.

Mais la foule atteignait l’apoplexie quand un rétiaire tombait sous les morsures d’un tigre, les hurlements de dégoût et de joie se mêlaient pour former une longue complainte sexuelle quand la patte d’un lion emportait tout un torse. A la tribune, Venitius et Chal se régalaient du spectacle tandis qu’Oniris, plutôt attirée par exploit individuel d’un esclave et non les massacres de groupe, s’ennuyait. Seul Griffon Pertinax, dont le visage imperturbable ne laissait filtrer aucune émotion, s’intéressa à mon retour et me fit soudainement remarquer :

« - Mais, Caius Avidius, ta toge est pleine de sang ?

Tous les invités de la tribune détournèrent leurs yeux du spectacle afin de mieux regarder l’un d’entre eux, enfin redevenu intéressant car couvert de sang. La lame que j’avais rangée précipitamment était encore couverte de sang, et avait entaché ma toge et ma tunique. Je prétextais un léger ennui, une flaque de sang sur laquelle j’avais glissé dans les sous-sols de l’amphithéâtre, alors que je vérifiais la bonne tenue de l’exécution des jeux.
J’allais m’éclipser pour me nettoyer quand les trompettes sonnèrent pour annoncer la fin de la partie de chasse. Tandis que les servants nettoyaient la piste, masquant les traces de sang avec du sable frais et enlevant les plus grosses parties de chairs, animales et humaines, les gladiateurs survivants sortaient de la piste sous les acclamations de la foule. Les jeux avaient été bons, le peuple était presque contenté. Lui manquait le petit bonus, qui le renverrait enfin comblé dans ses pénates : le duel des champions.

Tandis que les cors se faisaient de nouveau entendre, je tombais de tout mon poids sur mon siége, torturé entre le vain espoir et la peur lancinante. La foule hurla de plus belle quand deux des accès à la piste s’ouvrirent, pour laisser place à Chazam et Akmar Nibelung.





Mirmillon contre rétiaire.

Enfin.

Dernière modification par marlouf ; 02/03/2007 à 12h04.
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