Discussion: AAR Imperium Romanum
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Vieux 26/05/2008, 00h09
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Chapitre 8 : Des aventures d'Otto Grandpieos et de son mulet à Alexandrie, et de savoir qui est l'âne



J’avançais, hébété, au sein de la colonne désormais réduite qui avait pénétré en Egypte. J’avais quitté ma litière, préférant avancer à la cadence des soldats, rassuré par ce mimétisme qui m’évitait ainsi de trop m’appesantir sur ce qui s’était déroulé auparavant.
Le décès de Faustine avait plongé l’empereur dans un désarroi que je lui avais rarement connu. Affligé par un chagrin indéniable, il avait aussitôt modifié le nom de la ville où elle s’était éteinte, Halala, en Faustinopolis. Des courriers étaient partis à destination du Sénat de Rome, Marc Aurèle demandant à la noble assemblée de respecter un deuil impérial pour la disparition de Faustine et, mieux, de la diviniser. Des monnaies furent frappées à l’effigie de Faustine, une statue et un temple élevés en son honneur, et l’empereur consacra une partie de ses Pensées qu’il écrivait depuis des années à celle qui fut, pensait-il, une femme aimante.
Agée de 46 ans, ayant donné naissance à 13 enfants, sans compter la maladie qui l’avait particulièrement diminué lors du voyage en Asie et l’avait poussé à des gestes incompréhensibles, Faustine était, pour tous, morte d’épuisement.
Etais-je le seul à connaître une partie de la vérité ?

Il suffisait que je sorte des plis de ma toge le petit réceptacle de nacre finement ciselé pour que le doute, la honte et la culpabilité m’assaillent, moi, le médecin impérial, celui qui avait concocté le poison ayant emporté Faustine. Avais-je, à la suite de mon enivrement, apporté le poison à Faustine ? Avait-elle envoyé une servante chercher le poison, lui affirmant qu’il s’agissait d’une simple décoction pour atténuer ses maux de tête ? Etait-elle venue en personne pour chercher, fouiller et trouver le récipient que j’avais grossièrement caché sous une pile de linges ? Les souvenirs de la nuit en question étaient enfouis sous un voile que je n’arrivais pas à déchirer.



De ce côté du Nil, la zone. De l'autre, l'El Dorado ...


Je fus détourné de ces sombres pensées lorsque nous entrâmes enfin à Alexandrie, après une expédition qui avait débuté plusieurs mois auparavant. Les soldats qui nous accompagnaient n’étaient plus les mêmes que ceux qui avaient pris part au début de l’expédition, il s’agissait désormais de légions orientales et, parmi elles, la légion qu’avait commandé le général Avidius Cassius avant que sa tête ne soit emportée par le glaive de son centurion Julius Sentencius.
Je craignais d’ailleurs, sans réelle raison certes, de retomber sur le centurion mais les rumeurs qui courraient dans la ville m’informèrent rapidement de son départ pour la Maurétanie. Après l’assassinat de l’un des fils de Cassius, ici même, j’imaginais sans trop de difficultés quelle était désormais la nouvelle tâche de Sentencius : certainement éradiquer la famille du général rebelle, comme au temps des proscriptions ou lors des luttes d’influences entre plusieurs prétendants au trône. La promesse qu’avait faite Marc Aurèle de ne pas faire retomber sur les fils du général les fautes de leur père semblait donc purement formelle, ce qui me choqua particulièrement venant d’un empereur pourtant si vertueux.

Les fastes légèrement surannés d’Alexandrie m’égayèrent donc l’esprit et me firent croire, pendant quelques semaines encore, que rien n’avait changé, ni la Cour, ni l’Empereur, ni moi-même. J’accédais à la prodigieuse Bibliothèque de la ville, me jetant à corps perdu dans quelques précieux rouleaux écrits par les plus savants des médecins grecs, dont les connaissances pourtant vieilles de plusieurs siècles constituaient encore un trésor inestimable.
La Bibliothèque n’avait plus le lustre qu’on lui prêtait d’antan, le nombre de manuscrits avait diminué dans des proportions inquiétantes depuis plusieurs décennies. A la mort de Pompée déjà, deux siècles et demie plus tôt, les batailles de rues qui avaient opposé les troupes de Jules César à celle du jeune roi Ptolémée avaient provoqué un vaste incendie qui, ayant épargné la Bibliothèque, n’en ravagea pas moins l’un des entrepôts contenant plusieurs milliers d’ouvrages. L’avènement de l’Empire et d’une Rome toute puissante avait porté un coup tout aussi important à l’édifice, dont le contenu avait été petit à petit été éparpillé dans les grandes propriétés du Latium. Ce que je pouvais encore contempler était néanmoins assez fabuleux pour me donner une idée de ce qu’avait pu être la ville avant l’arrivée des Romains.



la Grande Bibliothéque, ou le Royaume de la raison


Deux grandes artères se coupaient perpendiculairement, partageant ainsi la ville en plusieurs îlots grouillant de vie, les plus âgés se prélassant au soleil tandis que les plus jeunes nous courraient après, afin d’obtenir quelques pièces. A l’extrémité nord, l’œil se détachait instinctivement de la Mer pour venir se poser sur le Phare, qui s’accrochait au ciel avec ses 300 pieds et quelques d’altitude. Plus bas dans la ville, une hauteur qui ne devait rien à la nature arrêtait encore notre regard, un étrange tumulus surplombé d’un ancien temple qui n’avait rien perdu de sa superbe : le Sôma, où reposait le corps d’Alexandre le Grand.



Entrer seul ici et tailler une bavette avec la momie Alexandre ? J'ose, j'ose pas ?


La réalité me rattrapa un soir, alors que je revenais de deux jours passés au sud de la ville. Marc Aurèle n’ayant pas montré une quelconque volonté de visiter le tombeau d’Alexandre – ce qui me privait moi-même de cette visite, réservée aux plus grands et leur entourage – j’avais mis à profit mon temps libre pour aller observer les autres splendeur d’Egypte, les pyramides. Alors que nous revenions à Alexandrie, le guide qui tenait le licou de mon mulet accéléra soudainement, et en quelques instants, je le perdais de vue dans le dédale de rue qui quadrillait la partie populeuse de la ville. Alors que j’hésitais sur le chemin à suivre pour rejoindre le palais que nous occupions, j’entrevoyais une ombre bouger derrière mon épaule. Je me retournais, mais trop tard, le temps de sentir une extraordinaire douleur me vriller la tête. Je dû certainement me blesser en tombant de mulet, puisqu’à mon réveil, des courbatures me déchirèrent le dos, me faisant un instant oublier la douleur qui tenaillait mes tempes.



Et meeeeerde ! Paumé à minuit dans une ville étrangére, et je n'ai même pas ma Romanan Express gold sur moi...


J’étais dans une pièce de dimension modeste, les murs étaient de ceux qu’on trouvait dans la plupart des habitations d’Alexandrie, et je devinais ainsi rapidement me trouver encore dans la ville malgré l’absence d’ouvertures sur l’extérieur. Un homme de grande taille se tenait devant la seule porte de la pièce, m’empêchant ainsi toute solution de repli. Il resta sourd à mes questions, qui se transformèrent rapidement en lamentations, tandis que je voyais ma situation se délabrer rapidement.
D’un simple rapt contre rançon, qui était monnaie courante dans la région, surtout quand la cible était un riche représentant de l’ordre romain, je passais ensuite au complot ourdi par des indépendantistes égyptiens, avant de m’arrêter sur l’idée d’un enlèvement par une quelconque secte de l’ordre lunaire, qui aurait décidé de sacrifier un médecin grec en l’application d’obscurs rites orientaux.

J’en étais là de mes funestes pensées, quand un homme encapuchonné entra dans la pièce. L’homme qui jusque là gardait l’accès à la porte se rapprocha de moi, certainement pour m’empêcher toute action contre le nouvel arrivant, ce dont j’aurais été bien incapable vu ce qu’avait du endurer mon pauvre corps depuis que j’étais tombé de mulet.

Si le manteau élimé qui cachait le visage du visiteur ne me disait rien, les pans de toge que je pu distinguer en dessous lorsqu’il y enfouit ses mains pour chercher quelque chose me renseigna grandement sur la personne que j’avais en face de moi. Certainement un Romain, ou alors un Levantin, et la qualité de la toge me faisait penser à un notable, sinon mieux. L’idée du sacrifice à l’ordre lunaire s’évanouit un peu, et je baignais mes lèvres de salive, peut être dans l’idée de hausser la voix et d’intimider celui qui avait apparemment organisé mon enlèvement, quand ce qu’il déposa sur la table qui nous séparait me fit perdre tout moyen : un petit récipient en nacre qui ne m’était pas inconnu, avec sa fêlure caractéristique sur le côté qui datait de 2 ou 3 années, quand je l‘avais accidentellement fait tomber sur un sol en marbre.

L’homme déposa également plusieurs documents à côté, et quand je pus enfin détacher le regard de la petite fiole qui avait contenu du poison, je reconnu l’écriture de Faustine. Je saisissais le premier feuillet, le lisant en transversale jusqu’à ce qu’une phrase ma fasse tiquer. C’était de moi dont elle parlait, ce médecin devenu une source de confiance et qui lui dévoilait tout sur l’état de santé de son mari, Marc Aurèle ! Je descendais jusqu’au bas de la lettre, pour comprendre que celui à qui s’adressait la missive devait certainement être le général Cassius.

La lettre d’une morte empoisonnée à destination d’un mort décapité, et qui glosait sur la santé d’un empereur cocufié par son médecin … Malgré ma situation périlleuse, j’éclatais de rire, tant tout cela me pendait au bout du nez depuis des mois. Comment faire comprendre à Marc Aurèle l’enchaînement fatal qui avait aboutit, par mon truchement, à la rébellion du meilleur général d’Orient et au décès de Faustine ?

Oh, bien sur, j’aurais pu trouver une oreille compréhensive chez l’empereur, je n’en doute pas, ou du moins les choses seraient allées à leur terme, plus rapidement que ce ne fut le cas. Mais la compréhension soudaine que je venais d’avoir, la certitude, enfin, que je n’étais pour rien – du moins directement - dans le suicide de Faustine, tout cela, alors même que je savais avant même qu’il se découvre qui était l’homme en face de moi, le soulagement mélangé à l’horreur de la situation qui était maintenant la mienne me faisait étouffer d’un rire nerveux, grotesque, et c’est dans une quinte de toux que je balançais à mon visiteur :

"- Proxenete ne te suffisait pas, maintenant tu en viens à supprimer une pute impériale ?"

Tout en ôtant son manteau et me dévoilant ainsi son visage, Schnickeon me fusillait de son regard de hyène.
Réponse avec citation