Discussion: AAR Civcity Rome
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Vieux 21/02/2007, 16h24
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CHAPITRE 7 : la Tentation de Chal


La foule, en extase après un combat d’une telle qualité, se mit à trépigner des pieds, des travées les plus proches aux plus éloignées. Dans les fondations de l’amphithéâtre, les soldats courraient aux cellules, croyant à une émeute. Les murs tremblaient, la pierre et le bois portaient la vibration tout le long de l’édifice, la rumeur s’étendait au quartier, gagnait la ville et ses alentours. Le peuple avait été rassasié par ces jeux, et ne voulait pas voir la journée se terminer par la mort de Chazam.
Même vaincu, il restait pour eux un héros. La défaite avait fait prendre conscience à tous que la légende s’était forgée sur les épaules d’un homme capable, comme eux, de faiblesse. Une légende pouvait scintiller dans l’inconscient collectif, connaître une éclipse puis revenir sans avoir perdu de son éclat. L’homme qui était derrière, c’était autre chose. La foule avait-elle intégré, cette fois, que la mise à mort de Chazam les priverait de son talent ?

A la tribune, Chal restait de marbre, la main tendue et le pouce tourné vers le bas. Je le fixais des yeux, et était trop troublé pour voir que tous faisaient de même. Oniris quitta son siége et s’approcha de Venitius Varon, avant de lui glisser quelques mots à l’oreille. Toujours sous le choc, j’étais incapable d’émettre le moindre son, alors que les cris et les larmes se disputaient dans mon esprit.
Les autres invités de la tribune, bien moins impliqués que moi, commençaient en revanche à émettre une certaine désapprobation, provoquée par la peur. La peur du peuple qui s’agitait de plus en plus dans les travées. Un décurion se tenait à proximité des hôtes de marque avec des légionnaires pour faire barrage si la foule ne se calmait pas. D’une seule voix, un formidable « hoc habet » (« il a son compte ») montait sur la cité, et la rumeur ne cessait de croître. Ceux qui n’avaient pas pu assister aux jeux courraient en direction de l’amphithéâtre, reprenant la clameur. Dans les travées, tous agitaient leur mouchoir et certains commençaient à se bousculer aux abords de la tribune.

Venitius Varon, qui jusque là s’était montré silencieux, posa une main sur l’avant bras de Chal. Celui-ci, interloqué, se retourna vers lui. Venitius n’osait pas regarder l’homme droit dans les yeux, il ne voulait pas défier directement l’un des hommes potentiellement les plus puissants de Rome.

"- Toi tu partiras, Chal, et quand tu abandonneras ces rivages, tu oublieras tout des gens d’ici. Mais moi, je devrais rester. Et je ne pourrais pas tolérer que la foule se rebelle pour la simple vie d’un esclave."

Tandis que Chal s’asseyait, Venitius étendit le bras, et leva le pouce. La clameur retentit encore plus forte et les fondations vibrèrent une dernière fois. Sur la piste, Akmar ôtait les pointes de son trident de la gorge de Chazam avant de s’écarter. Les servants entrèrent dans l’arène, désarmant Akmar et emportant Chazam. L’un partirait pour Rome afin d’y accomplir son destin face à Commode, l’autre serait soigné par l’un des meilleurs médecins de Crête, afin de combattre à nouveau.

Tandis que tous commençaient à quitter l’arène, Oniris s’approcha de moi et m’annonça son départ imminent pour Rome. Elle serait accompagnée de Griffon Pertinax, qui devait rentrer dans sa propriété de Ligurie, et me conseillait de me méfier aussi bien de Chal que de Venitius. Troublant personnage que cette Oniris, qui semblait évoluer d’un camp à l’autre en fonction de ses intérêts. Encore il y a peu la maîtresse de Venitius, l’arrivée de Chal l’en avait soudainement éloigné, sans que Venitius s’en rende réellement compte.

Je passais les journées suivantes à m’inquiéter du sort de Chazam, dont l’état semblait assez incertain. Outre une méchante blessure au thorax, il comptait plusieurs côtes cassées, quand Akmar l’avait frappé avec son arme. Heureusement, il n’avait été touché que par le plat du trident, et non par les pointes, ce qui lui avait évité une mort atroce. Le médecin qui veillait sur lui se voulait plutôt rassurant, et je n’avais aucune raison d’en douter puisqu’il s’agissait d’un très bon praticien. L’entraînement, la formation de Chazam et le coût des jeux exigeaient qu’il soit bien traité afin de pouvoir à nouveau combattre. Sa mort aurait été, financièrement, une catastrophe.

Je passais de longues heures avec lui, durant lesquelles il me raconta son histoire, celle de sa famille réduite en esclavage depuis son plus jeune âge, et ce qui l’avait fait tenir jusque là.

Mon travail n’en souffrait pas, puisque j’avais confié certaines responsabilités à mon nouveau protégé, Jmlus, un garçon de bonne famille qu’un ami m’avait envoyé afin de l’écarter de Rome, le temps que certaines affaires de mœurs, dans lesquelles Jmlus s’était illustré soient étouffées.

La ville s’agrandissait sans cesse, de nouveaux quartiers sortaient de terre, et la construction du nouveau colisée, au sud de la ville, avançait rapidement. Entièrement en pierre, contrairement à l’amphithéâtre dont une partie des structures était faites de bois, il devait être une copie (très) réduite de l’amphithéâtre Flavien de Rome



A l’ouest de la ville, les plans du futur stade avaient tout juste été achevés, et il se passerait encore de très longues années avant que les chars ne puissent se mesurer les uns aux autres, au plus grand bonheur des citoyens.

En attendant, les auriges s’entraînaient dans des lieux peu adaptés à la course, et une piste très sommaire servait pour les quelques exhibitions déjà programmées.

Les mois passaient, la ville avait retrouvé sa sérénité. Chal, tout favori qu’il fut, avait du retrouver ses légions d’Illyrie. Depuis, Venitius était devenu morose, comme si la venue du jeune homme lui avait fait comprendre combien sa tâche, bien que des plus nobles, pouvait être des plus ingrates alors que l’avenir, de chaque homme comme de l’empire tout entier, se jouait à Rome. Chazam avait de son côté complètement guéri, et retrouvé les faveurs des spectateurs.

J’étais sur le chantier du nouveau Colisée quand j’appris le retour d’Oniris, après plusieurs mois d’absence. Son arrivée me fit grand bien, puisque j’avais décidé de m’ouvrir à elle : pour gagner définitivement l’amitié de Chazam, j’avais enfin compris par où commencer. Il fallait que j’adopte son Dieu. Et Oniris pourrait tout m’apprendre.

Je réfléchissais à tout cela quand Jmlus arriva sur le chantier et se précipita vers moi. Occupé toute la matinée au port, attendant l’arrivée de statues sculptées à Athènes et devant parer l’une des entrées du colisée, il avait vu débarquer Oniris. Le bateau, qu’il reconnu comme étant celui de Griffon Pertinax, apportait en même temps les dernières nouvelles de Rome, et quelles nouvelles !

Akmar, le gladiateur envoyé par Chal pour mourir dans les arènes de Rome, avait été remarqué par Marcia, la concubine de Commode, qui l’avait supplié de laisser la vie au goth. Commode avait accepté, et Akmar avait rejoint la suite de Marcia, servant désormais dans le palais. Mais Commode, dont c’était là l’un des très rares gestes charitables, s’était également illustré par sa versatilité légendaire, en faisant arrêter Perennis, dont il semblait s’être lassé des faveurs.
Chal, qui avait quitté son commandement afin d’intercéder auprès de Commode, avait également été arrêté, alors qu’il faisait étape à Trieste. Conduit à Rome sous bonne escorte, il n’avait pu voir Commode, et ainsi compris rapidement quel devait être son sort. Chal retrouva son père, mais ils n’eurent jamais l’occasion de défendre leur cause. Tous les deux furent égorgés dans une cellule de Rome, lâchés par ceux qui, la veille encore, leur devaient leur richesse et leur statut.

Sans l’ombre d’un doute, je reconnaissais là la signature d’Oniris, qui n’hésitait pas à noyer ses inimitiés dans le sang.

Je quittais le chantier afin de la retrouver.





Il est des moments où un homme fait un choix, sans en mesurer les conséquences. Je ne pouvais pas savoir alors que ce colisée que nous construisions, j’en foulerais bientôt le sable, sous le regard hostile de la foule.

Dernière modification par marlouf ; 02/03/2007 à 11h57.
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