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Vieux 29/09/2005, 11h07
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Ok, je vais tacher de jeter un coup d'oeil ce midi. en espérant que le numéro n'a pas été squatté par un éminent chercheur ou thésard...
edit : ou par un technicien...

(mettre au féminin le cas échéant)

edit : pour l'article sur les Bédouins, c'est le numéro 385 de la revue "La Recherche" d'avril 2005. 2videmment, le numéro n'est pas au labo .

je l'ai trouvé sur le site de la recherche où j'ai un vieux compte (attention, quand vous commandez un article chez eux, vous ne pouvez l'y consulter qu'une journée malgré le prix exorbitant que vous devez payeralors je me permets de vous en faire profiter ) :

Citation:
LINGUISTIQUE
La première grammaire ?

Si l'on arrivait à identifier la grammaire de la première langue parlée humaine, peut-être pourrait-on progresser dans le débat sur les éventuels éléments innés du langage. Une étude portant sur une langue des sourds créée en trois générations par des Bédouins apporte quelques surprenants éléments de réponse.
Tous les linguistes rêvent d'assister à l'émergence d'une nouvelle langue, espérant déceler l'existence d'une part d'inné dans le développement du langage humain. Une équipe israélo-américaine vient ainsi d'analyser un langage né spontanément, il y a quelques décennies, dans une communauté humaine stable du désert du Néguev [1]. Il s'agit du groupe bédouin Al-Sayyid, dont certains membres souffrent d'une forme héréditaire de surdité. Le syndrome est apparu il y a soixante-dix ans, et la première génération de sourds a inventé une langue de signes, dite ABSL, dont l'existence n'a été révélée que l'an dernier.
Trois générations de sourds, soit cent cinquante individus, ainsi que de nombreux « entendants », pratiquent ou ont pratiqué cette langue car ces handicapés non stigmatisés mènent une vie sociale normale au sein de la communauté. « On a donc ici des conditions sociales plus naturelles que celles ayant favorisé l'émergence d'une langue des signes au Nicaragua, lorsqu'on a regroupé des enfants sourds dans une institution », observe Michael Corballis, de l'université d'Auckland en Nouvelle-Zélande [2].


Les chercheurs ont analysé la langue pratiquée par la seconde génération de « signeurs » adultes, qu'ils soient sourds ou non. Car ceux de la première génération sont tous décédés, et il ne reste que des témoignages et une courte vidéo sur le premier état de ce langage. Deux types de tâches ont été testés : raconter une expérience personnelle et décrire des événements qui leur avaient été présentés auparavant sous forme de vidéoclips. Leurs réponses ont été filmées, puis traduites par un membre de leur communauté, trilingue (arabe, hébreu et ABSL) et de la même génération qu'eux. Il s'agissait de décoder leur vocabulaire mais aussi et surtout de mettre en évidence la grammaire, les règles organisatrices de leur langue.


Résultat : leurs propositions sont toujours construites selon le même ordre, sujet-complément-verbe. Or, il s'agit d'un ordre radicalement différent de celui utilisé par les langues parlées dans leur communauté, l'arabe dialectal et l'hébreu. Il ne ressemble pas non plus à celui de la langue des signes israélienne que certains jeunes ont appris à l'école pour sourds à l'extérieur du village, ni à celui de la jordanienne, utilisée par la télévision locale. Autre originalité : certains éléments modificateurs - cardinaux, signes de négation - suivent le nom ou le verbe auquel ils se rapportent, ce qui n'est pas le cas dans les langues environnantes.


Il s'agit bien d'une langue créée ex nihilo dont la structure n'est pas influencée par l'environnement verbal. Cela permet-il de conclure que cette structure serait caractéristique du premier langage humain ? M. Corballis en doute : « L'ordre des mots dans un langage est choisi arbitrairement. Et une fois cet ordre établi, les locuteurs doivent s'y conformer. » On est donc encore loin de départager l'éternel débat entre inné et acquis...

Patrick Philipon
SAPIENS

[1] W. Sandler et al., PNAS 102, 2661, 2005.
[2] « M. C. Corballis : "La langue des signes dévoile l'essence innée du langage" », La Recherche, novembre 2004, p. 22.



Et donc l'article de novembre 2004 ( revue "la recherche" n°380 )

Citation:
Michael C. Corballis: «La langue des signes dévoile l'essence innée du langage»

Au Nicaragua, à la fin des années soixante-dix, une langue des signes a émergé spontanément et très rapidement chez certains sourds dès qu'ils sont sortis de leur isolement pour fréquenter une institution scolaire. Une nouvelle étude portant sur ce phénomène déjà largement observé montre que cette langue s'est structurée de plus en plus d'une génération à l'autre, et ce sans intervention extérieure [1]. L'enfant possède donc des mécanismes de pensée innés nécessaires pour parler.


Qu'apporte cette nouvelle étude sur la création spontanée d'une langue des signes?


Michael C. Corballis: Les premiers travaux réalisés au Nicaragua laissaient déjà penser qu'une langue des signes peut se développer à partir d'une gestuelle primitive et devenir une véritable langue structurée. La présente étude va plus loin: elle fournit une analyse détaillée sur l'apparition dans la langue des signes de deux propriétés du langage humain, la segmentation et le séquençage. Lorsque l'on montre une vidéo à la génération de Nicaraguayens qui a créé spontanément cette langue, les sourds utilisent un seul signe pour dire «rouler en bas d'une pente»; en revanche leurs enfants qui ont appris cette langue avant l'adolescence segmente les deux notions «rouler» et«vers le bas», et peuvent les séquencer, c'est-à-dire -indiquer si elles se déroulent ou non en même temps. Ils peuvent ainsi combiner des mots pour inventer des idées nouvelles.


Considérez-vous, comme les auteurs de l'étude, que la segmentation et le séquençage sont des propriétés essentielles à toutes les langues?


La segmentation et le séquençage sont effectivement au coeur de la différence fondamentale qui sépare le langage humain des nombreuses formes de communication animale. Ces propriétés ont donné naissance à ce que Chomsky nomme l'«infinité discrète», c'est-à-dire notre capacité à générer un nombre potentiellement infini de messages. Le séquençage est la propriété la plus critique: il est essentiel à la récursivité - la faculté d'emboîter les idées les unes dans les autres - qui n'existe que dans le langage humain. Au contraire, la segmentation existe chez d'autres espèces. Ainsi Kanzi, le bonobo étudié par Sue Savage-Rumbaugh de l'université de l'Oklahoma, semble capable de distinguer les mots dans une phrase. Mais il ne peut apparemment pas générer des séquences en respectant des règles. Il existe d'autres propriétés essentielles du langage, comme les règles syntaxiques qui régissent la manière de créer des séquences: elles sont sous-entendues dans le cadre de cette étude. Peut-on en déduire que la segmentation et le séquençage sont des propriétés innées, indépendantes de tout acquis culturel?


Dans l'exemple du Nicaragua, les premières conventions spécifiques de la nouvelle langue des signes sont transmises de la première à la deuxième génération. Mais la segmentation et le séquençage émergent chez les enfants, donc elles viennent forcément d'eux. Cela suggère que les enfants, du moins certains d'entre eux, sont bel et bien nés avec ces capacités dans leur cerveau.


Diriez-vous que cela renforce la thèse de Chomsky, à savoir que l'homme possède une sorte de module grammatical inné?


Un module grammatical, c'est peut-être exagéré. Chomsky lui-même a un peu nuancé cette idée [2]. Cette étude renforce au moins la thèse que l'homme possède une propriété innée nécessaire au langage: la récursivité. Car celle-ci s'appuie sur la segmentation et le séquençage pour pouvoir opérer. Cependant, je pense que la récursivité est une caractéristique générale de l'esprit humain et qu'elle ne sert pas uniquement à l'apprentissage du -langage.


Propos recueillis par Marie-Laure Théodule

[1] A. Senghas et al., Science, 305, 1779, 2004.
[2] M. D. Hauser, W. T Fitch & N. Chomsky, Science, 298,1569,2002.




Voilà mon bon Arounet

Merci des pistes que tu m'as fournies et en espérant t'avoir comblé
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"Péricliter = tourner autour du clitoris" d'après "Le Dictionnaire de ceux qui ne savent pas" de Ar Sparfell

Dernière modification par Chazam ; 29/09/2005 à 13h30.
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