Histoire de la Moscovie. Introduction
Moscou, 1453. Une petite pièce sombre, glaciale et, surtout, à l’abris des regards indiscrets. Inquiet tremblant à l’idée de commettre une erreur fatale pour son faible royaume, le Grand Duc Vassili se resservit un grand verre de vodka pour trouver le courage de se retourner vers...EUX

.
« Hum. Je... Je vous ai fait venir ici pour que vous me serviez de conseillers » osa enfin commencer le duc, en tremblant et en insistant lourdement sur le verbe servir. Silence. Nerveux, le duc continua : « Votre réputation, immense pour certains, plus obscurs pour d’autres, vous a précédé et je... bref, faites de la Moscovie un royaume puissant et craint ! Vous, Bubov, je vous confie le soin de dynamiser l’économie... la tâche est certes rude, quasi-impossible en fait car nos revenus sont dérisoires et notre technologie est et restera toujours bien en retard par rapport aux nations occidentales... Que voulez-vous, il fait si froid ici

... ».
L’air profondément dégoutté de Bubov n’échappa pas au duc : eh quoi, même lui ne pouvait pas faire de miracle. La Moscovie ne deviendra jamais riche. Pour un homme habitué à se vautrer dans l’or et l’opulence

, c’était assurément une tragédie, mais il finit néanmoins par daigner déserrer un peu les dents : « Je ferai de mon mieux, mais à l’impossible nul n’est tenu »
Le grand duc, pas très rassuré, se tourna hâtivement vers le second personnage, espérant y trouver un peu plus d’enthousiasme et de chaleur humaine. « Ah oui, pas de chance, c’est lui... pourquoi l’ai-je fait venir encore celui là ? Me souviens plus, mais il devait y avoir une raison... ou ai-je abusé de la vodka

? Tant pis, maintenant qu’il est là, il faudra bien faire avec : euh... Iouri Stratcom, je... euh... je vous nomme grand amiral de la flotte ! » »Chouette alors, j’adore les petits bateaux

! ». Le duc sourit : allons, rien que pour cette approbation spontanée, il ne regrettait déjà plus son choix. « Combien de navires au fait ? » « Euh... eh bien... aucun en réalité, avoua piteusement le duc. Hum. En fait, nous n’avons aucun port non plus. Hé, hé. Hum ». L’oeil réjoui de Strat devient noir et il fusilla le duc du regard, cherchant déjà instinctivement son sabre pour décapiter l’insolent

. « Attendez ! hurla le duc, paniqué. Je... Je... Je sais ! Vous serez aussi responsable de la colonisation ! Ah c’est pas bien cela ! » (« Inutile de préciser, cette fois, qu’il n’y a aucune terre à coloniser pour le moment » pensa le duc

).
Strat hésitait visiblement et le duc décida de vite passer au suivant avant que les choses ne se compliquent : « Ah, abbé Coelio, j’ai beaucoup entendu parler de vous

... Naturellement, vous aurez la haute main sur les affaires religieuses » »Et je serai votre confesseur... avouez-moi vos pêchés... et vous aurez l’absolution si vous me cédez la comtesse Catherina...

» »Euh, oui, bon, enfin, je compte sur vous » déglutit péniblement le duc, angoissé rien qu’à l’idée d’imaginer les doigts boudinés du libidineux abbé caresser la douce peau de sa chère et tendre dulcinée. « Nous répandrons la foi chrétienne sur le monde et traquerons l’infidèle où qu’il se cache ! Je m’occuperai personnellement de convertir leurs plus belles femmes... en privé...

» »La chrétienté compte sur vous, certes, mais n’oubliez pas que nous sommes orthodoxes ici » »oh ». L’air maussade et profondément attristé du jésuite n’échappa pas au duc perspicace qui, craignant un nouveau débordement, s’empressa d’ajouter : « Vous aurez aussi la haute main sur la diplomatie ! Vous pourrez utiliser toute votre fourberie... euh, toute votre ruse, pour nous rallier des alliés et des vassaux » »Voilà qui est mieux. Pour en revenir à la comtesse... »
Le duc, de plus en plus inquiet pour celle qui était son épouse, se détourna rapidement du pervers et passa au dernier conseiller... le plus terrible de tous : le redouté Dantonov lui-même

! Et celui-ci n’était pas content ! Quoi, on osait l’obliger à quitter ses invincibles Janissaires et le Sublime Empire, et tout cela pour un royaume ridiculement faible et misérable. Jouant nonchalamment avec son glaive, Dantonov ne laissa même pas le temps au duc de prendre la parole : « Naturellement, je serai le commandant en chef des armées » »oui... voilà. Mais rappelez-vous que nous sommes petits et faibles : du pacifisme, de grâce, pas d’actions inconsidérées » »N’ayez crainte... En fait, j’ai la guerre en horreur

». Le grand duc soupira de soulagement : « Eh bien, voilà qui est règlé alors. Aucune guerre n’est prévue pour le moment d’ailleurs » »Naturellement, si on nous attaque ou si l’honneur nous oblige à intervenir, il n’y aura pas à hésiter... Pas de quartiers ! Les cosaques vont déferler ! En avaaaaant !

» »Euh, oui, bon, bon.... » balbutia le duc, guère rassuré par cet élan de pacifisme.
« Enfin, vous êtes les pires fripouilles que... les plus talentueux conseillers qu’il soit possible d’imaginer. Je compte sur vous, ne me décevez pas. Sinon.... » osa conclure le duc d’un air martial, mais les quatre conseillers sourirent froidement, nullement impressionnés et échangeaient des regards complices des plus inquiétant. Vassili se demanda une fois encore s’il ne venait pas de commettre une erreur fatale, mais il était trop tard : les dés étaient lancés, la partie pouvait commencer.
A suivre.