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Vieux 07/07/2006, 15h35
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Par défaut L'empire gréco-romain ou hellénistico-romain ?

"...l'empire qu'on dit romain fut un empire bilingue. La langue vernaculaire ou véhiculaire qu'on y pratiquait dans sa moitié occidentale était le latin, tandis que c'était le grec autour de la Méditterranée orientale et au Proche-Orient. Et la culture matérielle et morale de Rome est issue d'un processus d'assimilation de cette civilisation hellénique qui, de l'Afghanistan au Maroc, était la culture "mondiale" du temps en ce coin du globe; "la Grèce conquise a conquis son sauvage vainqueur et importé les arts chez les rustiques Latins",dit un vers fameux du poète latin Horace : Rome est un peuple qui a eu pour culture celle d'un autre peuple, l'Hellade. Si bien qu'à leur tour les Romains hellénisés helléniseront en langue latine l'Occident qu'ils avaient conquis au cours des deux derniers siècles avant notre ère."

Paul VEYNE - L'empire gréco-romain - Avant-propos

Je souscris à ces propos, sauf que je remplacerais l'adjectif "hellénique" par "hellénistique". En effet, la Grèce "classique" ne s'est pas plus implantée au Maroc qu'en Afghanistan, implantations qui sont le fait de créations politiques issues des conquêtes d'Alexandre. De plus, les Romains n'ont pas eu d'accès direct à la civilisation grecque des cités indépendantes. Les cités grecques d'Italie du Sud et de Sicile ont été subjuguées (par Rome justement) trés tôt et quand les Romains sont intervenus en Gréce proprement dite, au début du IIème siècle av. J.C., la période des cités libres était révolue depuis longtemps - depuis l'époque de Philippe et d'Alexandre - à part quelques exceptions marginales, comme Rhodes. Ce que les Romains ont connu de la civilisation hellène était donc avant tout hellénistique.

La deuxième remarque que je ferai, c'est que les influences qui sont évoquées ne se sont pas limitées, à mon sens, à la culture intellectuelle et matérielle. On nous présente souvent le système impérial romain comme issu ex nihilo de l'action pragmatique de certains dirigeants, en particulier Auguste, désireux de concilier la toute puissance personnelle qui leur était échue avec l'horreur qu'éprouvait les Romains pour la notion et le titre de roi. Je me demande déjà si cette horreur n'aurait pas été ravivée (car la période des rois romains datait déjà de plusieurs siècles) par le spectacle, à vrai dire peu ragoûtant, que leur procuraient les monarchies hellénistiques du IIème et du Ier siècle av. J.C. La plupart des dirigeants politiques romains, depuis les Scipions, en passant par Sylla, Pompée, César, Auguste et Tibère, ont fait campagne ou ont vécu dans ces régions, et au moins à partir du début du Ier siècle av. J.C., tous sont bilingues. Et je remarque, par ailleurs, qu'il y a des convergences troublantes entre le statut des empereurs romains et celui des rois des grands royaumes hellénistiques, convergences qui ne feront que s'accentuer au fur et à mesure que l'Empire et son centre politique se décaleront vers l'Orient.

Ma thèse est donc que les influences hellénistiques ne se sont pas limitées au plan culturel, mais qu'elles se sont étendues au plan politique. L'empire d'Alexandre serait l'ancêtre de l'empire romain.

Dernière modification par Otto Granpieds ; 07/07/2006 à 19h24.
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