La paix armée.
Les années qui précédèrent la grande conflagration européenne furent parmis les plus paradoxales de l'Histoire du monde. La "Belle époque" était une période de grande prospérité économique, le monde découvrait les formidables inventions de la seconde Révolution Industrielle, basée sur l'électricité et divers industries d'avant-garde telle que l'automobile. Lentement mais sûrement le confort ou encore l'hygiène (en somme, le développement) se répandait à travers les sociétés occidentales.
Et pourtant, paradoxalement, ce progrès était contrebalancé par la situation internationale des plus tendue.
Avec les unifications nationales au milieu du XIXème Siècle, et plus particulièrement de la création de l'Empire Allemand, le système international avait été bouleversé.
Vaincue, humilié par le traité de Francfort de 1871, la France de la Troisième République avait été isolée par la politique du chancelier Bismarck. Ce dernier voulait a tout pris empêcher la France de trouver un allié, qu'il s'agisse de Vienne ou de Saint Petersbourg voire de Londres. Agitant le spectre de la révolution auprès des cours conservatrices Autrichiennes et Russes, ou encourageant la France -astucieusement- dans ses aventures coloniales au grand dam de Londres, la politique de Bismarck fut un succès pendant près de 20 ans. Entente des trois Empereurs, Duplice-Triplice, accord naval méditerrannéen, tout concourait à l'isolement Française, tout renforçait la sécurité et la prépondérance du Reich.
Les choses changèrent avec l'arrivée sur le Trône du Reich de l'Empereur Guillaume II.

Ambitieux et d'un naturel mégalomane, le nouveau "Kaiser" chassa rapidement Bismarck, ne supportant pas d'avoir si près de lui une autorité concurrente. Guillaume avait pour son Empire des ambitions mondiales, et orienta sa politique dans ce sens. Il échoua a conserver l'amitié russe à laquelle l'ancien chancelier donnait tant d'importance. Il eut fallu tout le brio de Bismarck pour conserver l'alliance du Tsar, quand la rivalité de ce dernier avec la Monarchie Danubienne minait l'entente des trois Empereurs. Le nouveau Kaiser était loin d'avoir le talent nécessaire. Pis, il s'aliéna rapidement les Britanniques en annonçant ses ambitions coloniales (empêchant du coup les Britanniques de réaliser la liaison Le Cap-Le Caire ou encore menaçant la route des Indes avec le projet du Berlin-Bagdad-Bahn) et en développant la Kriegsmarine, dans le but affiché de concurrencer la Royal Navy.
Pendant ce temps, la République Française et le Royaume-Uni ne cessaient de s'affronter sur le terrain colonial, mais côté Britannique la germanophobie allait croissante. Ce changement dans l'opinion Britannique, que ne manqua pas de remarquer l'ambassadeur à Londres, Cambon, eut son importance rapidement comprise par le ministre Français des affaires étrangères: Théophile Delcassé.

Théophile Delcassé, artisan de l'entente Cordiale.
En 1898, avec la dispute Franco-Britannique sur Fachoda, la mésentente entre les deux puissances coloniales semblait à son paroxysme. On parlait de guerre imminente. Delcassé eut le talent de reculer a Fachoda, aidant ainsi a crever l'abcès colonial qui empoisonnait les relations Franco-Britanniques depuis le début des années 1880. La réconciliation fut complétée en 1904 par l'accord dit de ''L'Entente Cordiale". Simple accord colonial à l'origine, il s'avèrera vite qu'une alliance informelle était en place entre Londres et Paris.
De même, la Russie vexée de la non prise en compte de ses intérêts -concurrents de ceux de l'Autriche-Hongrie- dans les Balkans par l'Entente des Trois Empereurs cessa sa coopération avec Berlin. Isolée elle aussi, la Russie Impériale trouve auprès de Paris un nouvel allié de choix, d'autant plus que la France ne lésine pas sur les moyens pour charmer Saint Petersbourg (lui accordant notamment de nombreuses aides financières). Alexandre III accepta même d'écouter debout la Marseilleise, chant pourtant ô-combien révolutionnaire. Le signal était fort, la Russie acceptait l'Alliance. En Janvier 1894, c'était chose faite. La France n'était plus isolée, la configuration des alliances formelles ne changea guère jusqu'en 1914.

L'Europe en 1914, et ses principales alliances.
L'Europe ainsi bipolarisée avait déjà a plusieurs reprises échappé à la Guerre, les dernières alertes datant des toutes récentes Guerres Balkaniques de 1912 et 1913 où Russes et Austro-Hongrois avaient failli intervenir afin de soutenir leurs poulains respectifs. La région Balkanique était, de ce fait, la poudrière de l'Europe. La moindre étincelle là-bas risquait de réveiller les deux géants et, par le jeu des alliances, plonger l'Europe dans la guerre...