TheNaq
23/04/2008, 18h03
Les objets ne sont pas nos amis.
Les objets nous haïssent.
C’est simple, chaque fois qu’un objet peut nous faire du mal, il le fait, sciemment, sans chercher à amoindrir la violence de son acte.
Tenez, moi, par exemple, qui suis d’un naturel respectueux, encore pas plus tard que ce matin, j’ai été victime d’un complot d’objets qui se sont ligués afin de me faire souffrir et de briser mon orgueil de membre de l’espèce dominante sur cette aimable planète, l’Homme… À l’heure où je vous écris cela, je souffre comme une bête blessée et seul, mon immense courage, ma résistance surhumaine à la souffrance et bien sûr, ma parfaite modestie, me permettent de résister à l’envie de me rouler par terre en hurlant à la mort, tout en agonisant de douleur.
Comme vous insistez, je vous explique.
Ce matin, dès l’aube, à l’heure où blanchie la campagne mais on s’en moque car je réside au centre ville, bref dans la sombre lueur du réveil, vers 8h15 en somme, je sors de mon lit et je me dirige vers la salle de bain afin tout à la fois d’y assumer ma physiologie, car je ne suis qu’un homme malgré tout et également d’y pratiquer mes ablutions matinales car je suis fort bien élevé en plus de mes nombreuses autres qualités. Or, et reconnaissons-le c’est assez courant, quand je suis seul dans l’appartement, je me meus dans le simple appareil d’une beauté que l’on vient d’arracher au sommeil. Donc, je m’ablutionne avec véhémence, tout en interprétant, de fort belle façon ma foi, l’intégrale de l’œuvre de Carlos, dont on ne reconnaît pas assez le génie créatif selon moi mais là n’est pas la question, je me sèche avec vigueur et virilité et me dirige vers la cuisine afin de prendre un en-cas à la fois bienvenue et revigorant, sous la forme d’un verre de cola de la marque Coca et d’un paquet de gaufres issues de Liège, une collation fort équilibrée selon les canons de la faculté de médecine Mac Donald’s d’Infarctus-sur-Cholesterol, Wisconsin. Afin que nul ne puisse apercevoir ce qui fit ma gloire à l’époque de ma folle jeunesse don-juanesque, je masque ma nudité dans une serviette-éponge et d’un pas alerte et décidé, je me dirige vers le lieu de mes agapes matutinales.
Toutefois, étant profondément investi dans ma mission professionnelle, je ne peux manquer d’allumer le micro-ordinateur de gamme Mac posé sur mon bureau, afin d’y recevoir les moult mails d’admiration que m’envoient quotidiennement ma hiérarchie et mes clients, mais je ne voudrais pas m’étendre là-dessus, je crains que ma proverbiale discrétion n’est à en souffrir. Ceci fait avec une grâce et une élégance que m’envieraient les meilleurs danseurs de tango argentins (et je rajoute un “s” à argentin car ce sont les danseurs qui sont argentins, de même que le tango, je l’admets, mais ce n’est pas ce que je voulais signifier, soyez un peu concentrés tout de même !), je m’en retourne à la préparation de mon premier repas de la journée. Ayant versé la dose idoine de liquide sombre et gazeux dans le verre y afférent et m’étant saisi du paquet de pâtisseries liégeoises, je reviens vers mon micro-ordinateur de marque Apple, quand le destin frappe !
Au moment où je pénètre dans la pièce, j’entends le “ding” caractéristique de l’arrivée d’un message. Je pose donc mon petit-déjeuner sur la cheminée. Car, et c’est fort important pour la suite de ce palpitant récit, il y a une cheminée dans mon bureau-chambre à coucher. Une cheminée somme toute classique, de fort bon aloi et d’une parfaite inutilité car elle est close par de la maçonnerie (je souligne la cédille pour les importuns et les amuseurs de faibles capacités…). Elle comporte un manteau en bois d’une rare élégance, sur lequel je dépose des choses à la fois diverses et variées mais également, et c’est essentiel, elle dispose d’une espèce de truc en briquettes rouges et noires, chose permettant certainement de déposer des objets face à l’âtre mais d’une utilité moindre dès lors que la cheminée associée ne reçoit plus de flambée. Cette prolongation avance d’environ 50 centimètres sur le passage et mesure vraisemblablement ses deux pouces de haut… Donc, comme vous le savez, je viens de déposer ma nourriture sur ladite cheminée et d’un bond, je me précipite vers mon bureau. D’un bond, voire… Car, la serviette, celle-là même qui me ceignait les reins, préparant son coup depuis un certain temps, choisit ce moment pour choir, faisant dérouter ma course gracieuse de quelques centimètres. Or, et c’est là que je crie, que dis-je “je crie”, je hurle, je tempête, je brame au complot, l’avancée qui prolonge la cheminée se débrouille pour être sur le passage et je m’y broie littéralement les deux derniers petits doigts de mon pied gauche. Je suis tétanisé par la douleur atroce qui me vrille le cerveau et j’oublie mon légendaire sens de l’équilibre et me retrouve précipité vers le mur blanc et solide à la fois, encore un comploteur, soyez-en certain. Voulant protéger mon auguste visage d’une rencontre à la fois fortuite et violente avec le mur qui avance à la vitesse d’un cheval au galop, je tends la main, gauche, pour ralentir le mouvement, mais ne songe pas à fermer le poing et me vrille le majeur contre le solide monceau de parpaing à environ Mach 2. J’ai le souffle coupé, les larmes aux yeux et la bistouquette rabougrie. Je pousse un long hululement de rage et de souffrance animale, puis lâche une sévère bordée d’injures libératoires, avant de me laisser tomber devant mon PC de genre Mac Intosh. Sur l’écran de ce dernier, une personne inconnue se propose de m’offrir contre espèces sonnantes et trébuchantes une médication pour lutter contre des troubles érectiles, ce qui finit de m’achever.
Je vous conte donc cette douloureuse histoire, le majeur de la main gauche emmailloté dans de la gaze, le pied posé sur un tabouret et l’âme meurtrie. Je remarque en passant qu’on ne se rend pas toujours compte de l’importance du majeur senestre dans la vie de tous les jours et bien, je vous assure, c’est un doigt de fort grande utilité. Je sens que je vais méditer sur la formule du Poête qui demandait : “Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?”.
Mais je connais déjà la réponse des objets “Oui, nous avons une âme. Et elle est noire et pleine de haine pour le genre humain !”
Ah, que la vie est rude pour l’Homme en butte aux avanies et à la méchanceté des Choses !
Je tiens à préciser que cette histoire est parfaitement véridique et que si ma serviette éponge, la cheminée et le PC de marque Apple veulent me faire un procès en diffamation, je les attends de pied ferme. Ou presque.
(Edit : orthographe)
(Edit (et Marcel) : je mérite un point dans la gueule...)
Les objets nous haïssent.
C’est simple, chaque fois qu’un objet peut nous faire du mal, il le fait, sciemment, sans chercher à amoindrir la violence de son acte.
Tenez, moi, par exemple, qui suis d’un naturel respectueux, encore pas plus tard que ce matin, j’ai été victime d’un complot d’objets qui se sont ligués afin de me faire souffrir et de briser mon orgueil de membre de l’espèce dominante sur cette aimable planète, l’Homme… À l’heure où je vous écris cela, je souffre comme une bête blessée et seul, mon immense courage, ma résistance surhumaine à la souffrance et bien sûr, ma parfaite modestie, me permettent de résister à l’envie de me rouler par terre en hurlant à la mort, tout en agonisant de douleur.
Comme vous insistez, je vous explique.
Ce matin, dès l’aube, à l’heure où blanchie la campagne mais on s’en moque car je réside au centre ville, bref dans la sombre lueur du réveil, vers 8h15 en somme, je sors de mon lit et je me dirige vers la salle de bain afin tout à la fois d’y assumer ma physiologie, car je ne suis qu’un homme malgré tout et également d’y pratiquer mes ablutions matinales car je suis fort bien élevé en plus de mes nombreuses autres qualités. Or, et reconnaissons-le c’est assez courant, quand je suis seul dans l’appartement, je me meus dans le simple appareil d’une beauté que l’on vient d’arracher au sommeil. Donc, je m’ablutionne avec véhémence, tout en interprétant, de fort belle façon ma foi, l’intégrale de l’œuvre de Carlos, dont on ne reconnaît pas assez le génie créatif selon moi mais là n’est pas la question, je me sèche avec vigueur et virilité et me dirige vers la cuisine afin de prendre un en-cas à la fois bienvenue et revigorant, sous la forme d’un verre de cola de la marque Coca et d’un paquet de gaufres issues de Liège, une collation fort équilibrée selon les canons de la faculté de médecine Mac Donald’s d’Infarctus-sur-Cholesterol, Wisconsin. Afin que nul ne puisse apercevoir ce qui fit ma gloire à l’époque de ma folle jeunesse don-juanesque, je masque ma nudité dans une serviette-éponge et d’un pas alerte et décidé, je me dirige vers le lieu de mes agapes matutinales.
Toutefois, étant profondément investi dans ma mission professionnelle, je ne peux manquer d’allumer le micro-ordinateur de gamme Mac posé sur mon bureau, afin d’y recevoir les moult mails d’admiration que m’envoient quotidiennement ma hiérarchie et mes clients, mais je ne voudrais pas m’étendre là-dessus, je crains que ma proverbiale discrétion n’est à en souffrir. Ceci fait avec une grâce et une élégance que m’envieraient les meilleurs danseurs de tango argentins (et je rajoute un “s” à argentin car ce sont les danseurs qui sont argentins, de même que le tango, je l’admets, mais ce n’est pas ce que je voulais signifier, soyez un peu concentrés tout de même !), je m’en retourne à la préparation de mon premier repas de la journée. Ayant versé la dose idoine de liquide sombre et gazeux dans le verre y afférent et m’étant saisi du paquet de pâtisseries liégeoises, je reviens vers mon micro-ordinateur de marque Apple, quand le destin frappe !
Au moment où je pénètre dans la pièce, j’entends le “ding” caractéristique de l’arrivée d’un message. Je pose donc mon petit-déjeuner sur la cheminée. Car, et c’est fort important pour la suite de ce palpitant récit, il y a une cheminée dans mon bureau-chambre à coucher. Une cheminée somme toute classique, de fort bon aloi et d’une parfaite inutilité car elle est close par de la maçonnerie (je souligne la cédille pour les importuns et les amuseurs de faibles capacités…). Elle comporte un manteau en bois d’une rare élégance, sur lequel je dépose des choses à la fois diverses et variées mais également, et c’est essentiel, elle dispose d’une espèce de truc en briquettes rouges et noires, chose permettant certainement de déposer des objets face à l’âtre mais d’une utilité moindre dès lors que la cheminée associée ne reçoit plus de flambée. Cette prolongation avance d’environ 50 centimètres sur le passage et mesure vraisemblablement ses deux pouces de haut… Donc, comme vous le savez, je viens de déposer ma nourriture sur ladite cheminée et d’un bond, je me précipite vers mon bureau. D’un bond, voire… Car, la serviette, celle-là même qui me ceignait les reins, préparant son coup depuis un certain temps, choisit ce moment pour choir, faisant dérouter ma course gracieuse de quelques centimètres. Or, et c’est là que je crie, que dis-je “je crie”, je hurle, je tempête, je brame au complot, l’avancée qui prolonge la cheminée se débrouille pour être sur le passage et je m’y broie littéralement les deux derniers petits doigts de mon pied gauche. Je suis tétanisé par la douleur atroce qui me vrille le cerveau et j’oublie mon légendaire sens de l’équilibre et me retrouve précipité vers le mur blanc et solide à la fois, encore un comploteur, soyez-en certain. Voulant protéger mon auguste visage d’une rencontre à la fois fortuite et violente avec le mur qui avance à la vitesse d’un cheval au galop, je tends la main, gauche, pour ralentir le mouvement, mais ne songe pas à fermer le poing et me vrille le majeur contre le solide monceau de parpaing à environ Mach 2. J’ai le souffle coupé, les larmes aux yeux et la bistouquette rabougrie. Je pousse un long hululement de rage et de souffrance animale, puis lâche une sévère bordée d’injures libératoires, avant de me laisser tomber devant mon PC de genre Mac Intosh. Sur l’écran de ce dernier, une personne inconnue se propose de m’offrir contre espèces sonnantes et trébuchantes une médication pour lutter contre des troubles érectiles, ce qui finit de m’achever.
Je vous conte donc cette douloureuse histoire, le majeur de la main gauche emmailloté dans de la gaze, le pied posé sur un tabouret et l’âme meurtrie. Je remarque en passant qu’on ne se rend pas toujours compte de l’importance du majeur senestre dans la vie de tous les jours et bien, je vous assure, c’est un doigt de fort grande utilité. Je sens que je vais méditer sur la formule du Poête qui demandait : “Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?”.
Mais je connais déjà la réponse des objets “Oui, nous avons une âme. Et elle est noire et pleine de haine pour le genre humain !”
Ah, que la vie est rude pour l’Homme en butte aux avanies et à la méchanceté des Choses !
Je tiens à préciser que cette histoire est parfaitement véridique et que si ma serviette éponge, la cheminée et le PC de marque Apple veulent me faire un procès en diffamation, je les attends de pied ferme. Ou presque.
(Edit : orthographe)
(Edit (et Marcel) : je mérite un point dans la gueule...)